Amiens s'attaque au tabou des zoos humains

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Amiens s'attaque au tabou des zoos humains

Date: 16 September 2016 | 10:25 am

Phénomène à la mode au XIXe, des spectacles mettant en scène des individus en cage ou dans leur «habitat naturel» sont actuellement au cœur d’une exposition commémorative à la préfecture de la Somme.

Attractions courantes et prisées du grand public tout au long du XIXe siècle, les zoos humains, «villages africains» et autres monstrations d’individus «exotiques» issus des colonies sont au cœur d’une exposition à Amiens, «Les zoos humains, l’invention du sauvage». La ville choisit ainsi de commémorer à sa manière un épisode peu glorieux de son histoire, puisque c’est à l’emplacement même de l’actuel zoo que fut reconstitué en 1906 un «village sénégalais».

En octobre 2014, l’artiste Sud-Africain Brett Bailey avait créé la polémique en France avec la présentation de son installation Exhibit B, inspiré justement des zoos humains. L’artiste y montrait une série de tableaux vivants dérangeants. Déranger, c’était justement l’ambition de ce travail qui n’a pas été franchement bien reçu. Une pétition appelait même son annulation au 104, à Paris et au théâtre Gérard Philippe, qualifiant cette performance de «raciste». C’est dire si le sujet reste sensible, notamment pour le Conseil représentatif des associations noires (Cran).

La fondation Lilian Thuram s’était attaquée au même sujet en 2012 en montant l’exposition Exhibitions, l’invention du sauvage au musée du Quai Branly. Contrairement à l’ex-footballeur des Bleus, qui espérait interpeller et perturber la conscience des visiteurs, la municipalité d’Amiens semble de son côté avoir voulu faire la paix avec son passé en restituant avec distance et pédagogie cet épisode peu connu de l’histoire de la préfecture de la Somme.

Le parcours d’exposition construit par le zoo d’Amiens nous apprend que ce phénomène est indissociable de la construction, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, d’un discours sur la hiérarchisation des races qui légitime la mise en scène et la réification des populations jugées «inférieures».

Initiés dès le début du XIXe siècle en France avec l’exhibition de «la Vénus Hottentote» (qui inspirera au réalisateur Abdellatif Kechiche le film Vénus noire en 2010), ces spectacles zoologiques, conçus selon l’historien Éric Baratay comme des «instruments de domination symbolique de l’Afrique», se répandent dans toute l’Europe avant de se diffuser au Japon et aux États-Unis.

Avec plus d’un milliard de visiteurs et des dizaines de milliers d’individus exhibés, ces «zoos humains» constituèrent peut-être la première forme de «divertissement» mondialisé… Mais suite aux polémiques ayant accompagné l’Exposition coloniale de 1930, ces pratiques finissent par se raréfier, même si le pavillon de la Belgique accueillera encore un «village congolais» pour l’Exposition universelle de… 1958!

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