Les candidats à la présidentielle lorgnent le "made in France"

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Les candidats à la présidentielle lorgnent le "made in France"

Date: 10 September 2016 | 9:04 am

C’est un joli coup. Pour ses deuxièmes assises du “Produire en France” Yves Jégo, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, président-fondateur de Pro France, a réuni une belle brochette d’hommes politiques au Palais des congrès de Reims, vendredi 9 septembre. Pas sûr qu’ils soient tous venus pour honorer la purée Mousseline ou feuilleter le dernier catalogue de la Camif…

Mais, indéniablement, le “made in France” est un thème porteur de la campagne présidentielle. L’arrivée d’Arnaud Montebourg, cofondateur de l’événement, précédé d’une nuée de micros, fait taire les palabres et lance le show. Rien de très délirant non plus : soupirs ou petits applaudissements rythmeront les déclarations des uns ou des autres. Rien à voir avec un meeting de campagne. Yves Jégo, plutôt fier de cet aréopage, ouvre les festivités et donne le ton :

“Il y a un village gaulois qui résiste. Ils sont dans la salle, les entrepreneurs du produire en France. Ils se battent !”

S’en sont suivies cinq heures de discours politiques. D’Alain Juppé à Marine Le Pen en passant par Cécile Duflot, passage en revue des paroles qui ont plus ou moins fait mouche.

Le plus “tragique” : Jacques Attali

“C’est bien de pouvoir enfin parler de quelque chose de sérieux dans cette campagne présidentielle qui pour l’instant n’est qu’un concours de couleur de cravates et un tournoi d’ego”, se réjouit Jacques Attali en ouvrant le “Grand Oral”.  L’économiste a choisi de prendre de la hauteur et n’est pas là pour s’amuser. Certes, il intervient “hors cadre” et n’est pas candidat à l’élection présidentielle. L’auditoire boit ses paroles, frémit quand il évoque une crise financière internationale “dont nous ne sommes pas loin” ou s’inquiète du déficit de la balance des paiements française : “8% du PIB de déficit. C’est gigantesque !”, dit-il avant de dresser un portrait apocalyptique d’une France en perte de vitesse dans “les biens ménagers, le textile, les télécoms mais aussi les biens d’équipements industriels”.

Ses solutions ? Ni sortie de l’euro (“Notre monnaie nationale plongerait…Nous serions dans une situation tragique !”), ni protectionnisme (“Nous pouvons nous laisser entraîner dans 75 ans de barbarie !”). L’économiste préconise en revanche de :

  • Développer une production industrielle durable
  • Mettre les efforts sur la recherche avec le Crédit Impôt recherche (très prisé aux assises)
  • Favoriser la formation
  • Lancer la TVA sociale

Le plus patriote : Arnaud Montebourg

Visiblement Arnaud Montebourg, venu sans marinière mais en costume sombre et chemise blanche, comme pratiquement tous les intervenants, n’a pas saisi le danger du repli évoqué par son prédécesseur au pupitre, Jacques Attali. Patriote, patriotique… Le mot est décliné à l’envi dès les premières minutes du discours :

“Celui qui ne produit pas est dans la main de celui qui produit !”, avertit-il.

Et de tacler le traité transatlantique ou la volonté de la Chine d’obtenir le statut d’économie de marché : “Je veux bien que nous ne soyons pas protectionnistes mais je ne veux pas que nous soyons naïfs !”, lance-t-il, ce qui lui vaut quelques applaudissements nourris.

Le plus direct : Jean-Christophe Lagarde

Je ne suis pas candidat” tient à préciser Jean-Christophe Lagarde (UDI)  qui souhaite “penser autrement”. Il y va donc franco :

“J’en ai assez des promesses de baisses d’impôts et de protectionnisme…” dit-il en évoquant l’impossibilité légale de prendre de telles mesures et le retour de bâton qui tomberait sur nos exportations. Pour booster la compétitivité des entreprises,  il énonce quelques recettes qui séduisent l’auditoire : “transférer la charge sociale vers le travail des Français”, revenir aux 39 heures, interdire les emplois aidés dans l’administration, réduire les normes, avoir une fiscalité stable…

La plus “déçue” :  Marie-Noëlle Lienemann

Marie-Noëlle Lienemann (PS) regrette “les choix politiques qui ont été faits” et rappelle avoir été traitée “de vieille archaïque” quand elle disait “qu’on allait inéluctablement fracasser notre modèle européen et notre modèle français”. Pour sortir du marasme, elle appelle à une relance de la consommation. A son programme : hausse des bas salaires, grands travaux pour la mobilité non-polluante et pression citoyenne.

Le plus jeune : Bastien Faudot

“Quand j’avais 18 ans, le produire en France semblait être le pire des archaïsmes”, s’amuse Bastien Faudot (candidat du MRC à la présidentielle), 37 ans avant de dénoncer l’offensive libérale et la finance mondialisée. “Il faut reconquérir notre souveraineté budgétaire. Bruxelles c’est devenu la secte du temple solaire conduit par quelques illuminés”, dénonce-t-il. Il est le premier intervenant à parler du cas Alstom qui a annoncé cette semaine l’arrêt de la production de trains à Belfort d’ici 2018.

La plus démago : Marine Le Pen

Très attendue mais peu applaudie par le public, Marine Le Pen déroule un discours convenu sur le chômage massif qui nourrit une insécurité insupportable et l’échec du libéralisme mondial des échanges. “Le peuple ne s’y trompe pas. Il se prononce à 70% pour une politique protectionniste,” avance-t-elle. Et comme l’Europe ne permet pas ce protectionnisme – dire le contraire est à ses yeux “un vaste enfumage”- et  “interdit au consommateur de savoir où a été fabriqué un produit”, une seule solution : la sortie de l’euro. “Nous devons cesser d’être les idiots du commerce international !”, s’énerve-t-elle, recueillant ses premiers applaudissements. Colbert,  Charles de Gaule ou Pompidou, la présidente du Front National n’hésite pas à sortir les grandes figures de l’histoire pour rappeler la grandeur perdue d’une France industrielle.

Le moins “made in France” : Jean-François Copé

“Oui au made in France mais sans démagogie”, évacuera poliment Jean-François Copé en fin de discours. Visiblement, la marinière, ce n’est pas son truc. Lui c’est plutôt Uber son modèle, “qui donne du travail dans les banlieues”. L’ancien président de l’UMP  a choisi pour slogan de campagne “On ne recule plus !” et y va à la hache :

“Aujourd’hui 33 % de notre PIB va aux dépenses sociales et seulement 3 % à notre sécurité.”

Et de dérouler un programme ultra libéral : en finir avec les 35 heures ou un Code du Travail inadapté à notre époque. Son rêve ? Que chaque jeune reçoive à 16 ans un numéro Siret avec son numéro de sécurité sociale !

Le plus de “made in France” : Nicolas Dupont-Aignan

Le “made in France”, c’est le fond de commerce de  Nicolas Dupont-Aignan : relocalisation, refus de la mondialisation, lutte contre la contrefaçon et les travailleurs détachés, soutien aux entreprises qui soutiennent le made in France, tout y passe. Résultat, pour lui aussi, point de salut dans l’Europe : “La France ne sacrifiera plus son existence. Cela veut dire rompre avec cette Union européenne, non pas pour détruire l’Europe mais pour renégocier les traités !”, s’enflamme t-il en évoquant le dossier Alstom, ” une boucherie industrielle “.

Le plus “cœur de France ” : Bruno Le Maire

Il y a au moins une chose que nous savons produire en France ce sont des candidats à la présidentielle mais je ne crois pas qu’ils soient tous exportables”.  

L’entrée en matière de Bruno Le Maire a fait son petit effet. La suite fut plus attendue : l’ancien ministre de l’Agriculture bat la campagne et s’émerveille de l’esprit d’entreprise des Français : “Je veux vous dire à quel point je crois en la France ! Il y a une volonté entrepreneuriale considérable”, s’enthousiasme-t-il en évoquant une jeunesse avide d’innover et de belles PME familiales croulant sous les charges.

A son programme : révision du compte pénibilité (“une usine  à gaz” pour les entreprises), allégement des charges, allégement de la fiscalité sur les transmissions d’entreprise. Plein feu aussi sur la formation et l’apprentissage : “Il faut dire aux Français que l’intelligence de la main vaut l’intelligence de l’esprit !”. Et pour le made in France: “Il faut que nos produits soient les meilleurs. Vous n’exporterez pas des produits de milieu de gamme !” avertit-il, peu sensible aux sirènes protectionnistes.  

La moins chanceuse : Cécile Duflot

Pas de bol. Cécile Duflot, candidate EELV, passe juste avant… Alain Juppé, une des stars du jour. Résultat, son discours sur le virage écologique nécessaire et ses gisements d’emploi à portée de mains a été plus que bousculé par l’arrivée dans la salle du candidat et sa nuée de micros. “Le patriotisme économique, c’est ne pas laisser prospérer les boues rouges”, a-t-elle lancé pour piquer Manuel Valls. Plus fédératrice, elle a plaidé pour “les nécessaires relocalisations et la valorisation de nos savoir-faire unique”. Mais pour y parvenir, elle invite à mettre en place un bouclier territorial qui concernerait les services publiques et une planification des transports “et non pas des projets dispendieux comme l’aéroport de Nantes ou la ligne Lyon-Turin”.

Le plus star : Alain Juppé

(CITIZENSIDE / Serge TENANI / citizenside)

Le maire de Bordeaux fait son entrée en scène avant la fin du discours de Cécile Duflot et s’assoit aux côtés d’Arnaud Montebourg, l’air de rien. Au pupitre, il commence par saluer les chefs d’entreprise “admirables” qui font le pari de la relocalisation.

“Produire en France est à mes yeux le combat pour financer notre protection sociale et rétablir notre balance commerciale”, dit-il.

Mais pas question de marcher sur les terres frontistes : “Je combattrais le discours sur le protectionnisme”, précise-t-il d’entrée de jeu. Et d’ajouter, dans la veine du discours d’Attali : “C’est une idée folle car elle refuse de voir le monde tel qu’il est. C’est aussi une idée dangereuse car elle met en péril les milliers d’entreprises qui exportent… “

Une fois ces règles posées, Alain Juppé déroule son programme économique : cadre fiscal sécurisé, crédit d’impôt recherche, modernisation du droit social, modification du compte pénibilité, sécurisation du CDI, 39 heures avec le choix donné aux entreprises, mandats syndicaux limités à deux ans, actionnariat salarié… Le made in France est bien loin.

La troisième partie du discours recentre le sujet sur la nécessité des labels, la lutte contre le dumping fiscal et la nécessité de bien négocier les traités : “Les négociations du Tafta montrent bien à quoi peut ressembler une négociation déséquilibrée”, dit-il sans fermer la porte à de futures négociations… s’il était président.

Le plus “peuple” : Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon est attendu à 14h30 dans la grande salle du palais des congrès de Reims mais il arrive en avance, s’engage vers le buffet entouré de caméras, et fonce sur deux éleveurs ravis venus défendre leur lait “Faire France” et parler crise laitière. C’est pain béni pour le candidat de la France insoumise. Au pupitre, le tribun, chemise blanche et costume sombre, met un peu de temps à s’échauffer avant de pendre son envol. En octobre, il présentera son livret “Produire en France”. Cela tombe bien. En attendant, il souhaite un ” grand chambardement” dans la manière de produire et de consommer, promet la relocalisation de l’agriculture -400.000 emplois-  et la mise en place d’une économie de la mer créatrice de 300.000 emplois. La sortie du nucléaire doit en permettre 900.000. Il promet d’améliorer les droits des travailleurs, souhaite former les cadres, et encourager le capital de long terme. Pour les auto-entrepreneurs, il prévoit la fin du RSI. Enfin, puisqu’on est là pour parler made in France, l’ancien Front de gauche en appelle au “protectionnisme solidaire” pour taxer des pratiques marchandes déloyales : “Nous ne voulons pas agresser nos voisins mais il va falloir apprendre à dire non”.

Le “mieux d’Europe” :  Yannick Jadot

“Il ne faut pas se mentir et mentir aux Français, le made in France c’est mieux d’Europe “, selon Yannick Jadot (EELV) qui plaide pour des échanges mondiaux légitimes “s’ils reposent sur la complémentarité économies, des talents ou des ressources” mais bannit les délocalisations de productions “qui reposent sur la mise en concurrence des salariés et des territoires” et reproche à l’Europe de “n’avoir pas de diplomatie commerciale” ni politique industrielle.

Le plus assidu : Jacques Cheminade

Prime à Jacques Cheminade qui a assisté à tous les débats et “n’est pas venu”, gaffe le présentateur, ” que pour les caméras “. Le doyen de la course à la présidentielle ferme les débats sur une mise à mort en règle de l’Europe “telle qu’elle est” et des marchés internationaux. Pas de surprise.

L’absence la plus remarquée : Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy, qui avait apparemment zappé l’événement au moment des invitations, a dépêché le fidèle Estrosi à la dernière minute. François Fillon, lui, aurait bien voulu être là, mais un déplacement à New York pour les commémorations du 11 septembre (la lutte contre le terrorisme est l’autre thème porteur…) l’en a empêché. C’est donc son porte-parole, Jérôme Chartier, qui a fermé le banc du “grand oral”. Dans la salle, beaucoup auraient aimé entendre Emmanuel Macron sur le sujet. Mais oui, au fait. Où était-il ?

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