Comment "Les Républicains" veulent faire exploser la dette

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Comment "Les Républicains" veulent faire exploser la dette

Date: 15 September 2016 | 5:01 am

La proposition peut surprendre, quand on sait qu’elle est formulée par le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Gilles Carrez, élu “Les Républicains” du Val-de-Marne, a envoyé une note aux députés de son groupe, dans laquelle il leur fait part d’une orientation budgétaire pour le moins inattendue. Dans leur programme, “Les Républicains” proposent… un relâchement budgétaire. Exit l’objectif d’un retour à l’équilibre budgétaire à court terme ! Au revoir les 3% ! Au contraire, la droite propose désormais la hausse des déficits publics.

Dans un rapport rédigé en avril dernier, le parti détaillait déjà la trajectoire des cinq prochaines années. Pour 2017 : 3,5%, alors que Bercy compte atteindre 2,7%. Même en 2018, le projet LR prévoit un déficit à 5%. Quant à la dette, elle grimperait à plus de 100% du PIB en 2019 !

“Le problème, ce n’est pas la dette, ce n’est pas le déficit, ce sont les dépenses publiques”, disait Nicolas Sarkozy à l’université d’été du Medef fin août.

L’ex-président annonce que le déficit “dépendra de la croissance et de l’état des comptes que nous laissera François Hollande”. Dans son programme qu’il présente mercredi 14 septembre, François Fillon annonce un retour à l’équilibre en 2022, et même un déficit public à 4,7% du PIB l’année prochaine. Soit sensiblement un retour au niveau de… 2012 !

Une crainte alimentée par la droite

Sur la rigueur des finances publiques, la droite serait-elle, contrairement aux idées reçues, plus souple que l’actuelle majorité ? A priori on, si l’on en croit les discours :

  • Encore récemment, les représentants de l’opposition fustigeaient les dépenses publiques décidées par la majorité dans le cadre de plans anti-pauvreté, de lutte contre le chômage ou de crédits supplémentaires aux forces de sécurité.
  • Il est aussi intéressant de relire une mise en garde du même Gilles Carrez, en juin 2015 : “Je crains que l’on reste durablement coincé à un déficit situé autour de 4% du PIB.”
  • Il ne faut pas non oublier la règle d’or : lorsque qu’il était président de la République, Nicolas Sarkozy avait voulu introduire dans la Constitution cette obligation de retour à l’équilibre budgétaire. 
  • La crainte d’une hausse de la dette a commencé en France dès 2005, après la remise d’un rapport d’une commission présidée par Michel Pébereau, ancien dirigeant de BNP Paribas, à Thierry Breton, ministre des Finances sous Dominique Villepin.
  • Plus largement, la crainte de la hausse de la dette publique, qui s’est traduite sur les marchés financiers par des arbitrages désastreux, a été alimentée par les travaux d’économistes comme Reinhart et Rogoff, deux “stars” qui pensaient avoir démontré qu’un pays, si sa dette dépassait 90% du PIB, subissait une récession et se retrouvait dans une situation inextricable.

Fidèle au principe

La droite aurait-elle changé d’idéologie ? Après tout, une grande partie de la gauche considère que réduire les déficits simultanément dans tous les pays européens, en pleine crise économique, et avec un chômage de masse, a été une faute. Des erreurs de calcul ont d’ailleurs été retrouvées dans l’étude de Reinhard et Rogoff, et certains économistes partisans de la rigueur ont mis de l’eau dans leur vin. 

Si François Hollande a tenu une gestion stricte des finances publiques, ce n’est donc pas par idéologie, mais plutôt par pragmatisme, vis-à-vis des marchés financiers et du projet européen. Ainsi, rien ne s’est passé quand la France a dépassé les 90%. Au contraire, les marchés ont continué à prêter à la France à des taux toujours plus bas.

Et “Les Républicains” aussi continuent de défendre la rigueur. On lit dans la même note d’avril du parti d’opposition :

“La France, si elle ne tient pas ses engagements budgétaires, pourrait bien finir par perdre la maîtrise de son destin et se voir imposer des politiques qu’elle n’aurait pas choisies elle-même.”

Mais alors, comment expliquer un tel décalage avec ce que la droite compte mettre en oeuvre en cas de victoire en 2017 ?

Dans la pratique, la droite n’est pas aussi rigoureuse qu’elle aimerait le faire croire. Sous Nicolas Sarkozy, le déficit public est passée de 2,3% à 5,4% du PIB. Bien entendu, il y a eu une crise financière gigantesque. Mais comme l’a expliqué la Cour des comptes en 2011, sur les 7,1% du déficit public en 2010, seul le tiers était imputable à la crise, le reste étant lié notamment aux baisses fiscales du début du quinquennat, de 75 milliards d’euros.

Financer des baisses d’impôts

Rebelote ? Il semble que de nouveau, la droite propose une hausse des déficits publics pour des raisons pratiques : il faut bien financer les baisses massives d’impôts que les candidats à la primaire proposent  :

  • pour les entreprises, Nicolas Sarkozy propose 34 milliards d’euros de baisses. Pourtant, durant le quinquennat Hollande, celles-ci ont déjà bénéficié de 20,6 milliards d’euros d’allègements fiscaux.
  • pour les ménages, Nicolas Sarkozy propose une baisse d’impôts de 25 milliards d’euros. Tous les candidats proposent aussi la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Sur son blog, Christian Eckert, en charge du budget de la France, rappelait le 16 juin dernier que l’ISF rapportait environ 5,2 milliards d’euros par an, soit “à peu près la somme des budgets de l’Agriculture, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports”.

Par les déficits publics

Pour financer de telles promesses, la seule solution est de faire grimper le déficit. En avril, au Sénat, Christian Eckert s’en était déjà ému, et il avait retranscrit un extrait sur son blog :

“En un mot, le programme de l’opposition en matière budgétaire, c’est de dilapider les efforts accomplis depuis 5 ans par les Français. Et non seulement il faut dilapider mais il faut le faire vite : car ce serait dès l’été 2017 que ce trou serait creusé, sans même attendre l’automne budgétaire.”
“Nous avons demandé des efforts aux Français, nous avons pris des mesures parfois dures pour assainir nos comptes : mais tout cela n’a pas été fait en vain, car, en redressant nos finances publiques, nous reprenons notre destin en main. Cette capacité à décider de notre avenir en toute indépendance, nous l’avons aujourd’hui mais nous pourrions la perdre demain si ces propositions folles étaient mises en œuvre.”

2017 et l'”au-delà”

La gauche gouvernementale adopte en fait un discours parfaitement opposé. Car si elle reste intraitable sur la baisse du déficit à 2,7% du PIB en 2017, elle ne ferme pas la porte ensuite à une rigueur moindre.

“La gauche européenne, social-démocrate, doit se faire entendre davantage sur la relance économique, sur l’assouplissement des règles du Pacte de stabilité”, a ainsi plaidé Manuel Valls le 29 août dernier, comme le relevait “Le Parisien”.

Et le ministre des Finances Michel Sapin de préciser qu’il s’agissait d’un débat qui ne concernait pas 2017, qui se projetait “au-delà”.

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