"War Dogs", "Victoria", "la Taularde"… Les films à voir (ou pas) cette semaine

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"War Dogs", "Victoria", "la Taularde"… Les films à voir (ou pas) cette semaine

Date: 14 September 2016 | 6:09 am

Le choix de “l’Obs”

♥♥♥ “Clash”, par Mohamed Diab. Drame égyptien, avec Nelly Karim, Hany Adel, Tarek Abdel Aziz, Ahmed Malek (1h37).

C’est, au sens propre, un film étouffant. On le conseille aux cinéphiles, mais on le déconseille aux claustrophobes. Pendant une heure et demie, l’Egyptien Mohamed Diab, 38 ans, nous enferme dans un fourgon de police qui brûle sous l’implacable soleil du Caire et dont, à l’extérieur, les scènes de guerre civile empêchent la progression dans la ville, jusqu’à l’immobiliser complètement.

La situation n’est pas seulement bloquée, elle est aussi absurde. Car les flics en noir finissent par ne plus savoir s’ils doivent résister dehors aux manifestants ou surveiller, à travers les barreaux, les prisonniers qui en viennent aux mains dans ce cachot ambulant dont, par peur d’être mêlés aux sanglants combats de rue ou d’être les cibles des snipers, ils finiront par ne plus vouloir sortir.

Comme un concentré explosif de la société égyptienne de l’été 2013, au cours duquel l’armée du général Abdel Fattah al-Sissi a destitué le président islamiste Mohamed Morsi, les quelque vingt personnes arrêtées et jetées pêle-mêle dans le fourgon cellulaire appartiennent à toutes les obédiences, toutes les classes sociales, toutes les générations : il y a des Frères musulmans, des religieux purs et durs, des révolutionnaires partisans du coup d’Etat militaire, des attentistes qui refusent de choisir entre les deux camps, des commerçants, des SDF et deux journalistes d’Associated Press, dont un Egypto-Américain, forcément accusé de trahir tout le monde, victime menottée de la xénophobie collective.

Plus le temps passe, plus la chaleur et la colère montent. Entassés, assoiffés, affamés, au bord de l’évanouissement, ces ennemis fratricides que le hasard contraint à cohabiter sont décidément irréconciliables. Trois ans plus tard, fanatiques des deux bords continuent, en Egypte, de s’opposer. Le film suffocant et haletant de Mohamed Diab n’est pas anachronique, il est visionnaire.

Arrestations, enlèvements, assassinats : l’Egypte s’enfonce dans la répression

Le réalisateur à qui on doit “les Femmes du bus 678”, charge implacable contre le machisme et le harcèlement sexuel, continue, avec “Clash”, toujours en caméra portée, de vouloir que son pays, réduit ici à la taille (8 m2) d’un antédiluvien panier à salade, s’installe vraiment dans la démocratie. Entre la loi islamiste et la loi martiale, Mohamed Diab a l’intelligence de ne pas choisir : son film ne milite que pour la liberté d’expression et contre toutes les formes d’oppression. Un film aussi efficace et virtuose dans la mise en scène très théâtrale du huis clos que dans le découpage très cinématographique, à travers les fenestrons, de la guérilla urbaine. Un film, enfin, où le spectateur étranger, placé contre son gré derrière les barreaux, ne pourra plus dire que c’est loin et que ça ne le concerne pas. Jérôme Garcin

Les autres sorties

♥♥♥ “War Dogs”, par Todd Phillips. Comédie dramatique américaine, avec Jonah Hill, Miles Teller, KevinPollak (2h02).

Qui aurait cru que le réalisateur des trois “Very Bad Trip”, films marrants mais imbéciles, signerait cette étrange comédie tirée d’un fait divers réel ? Et que ce serait réussi ? L’histoire de ces deux jeunes Américains, Diveroli et Packouz, qui se lancent dans le trafic d’armes avec l’armée US, est invraisemblable : pour se faire un peu d’argent, ils récupèrent des armes en Serbie, se baladent en Albanie, vont à Bagdad et signent un contrat de 300 millions de dollars ! Tout se termine au ballon, évidemment. Les bénéfices, ça se divise, les années de placard, ça s’additionne.

C’est drôle, terrifiant, et révélateur de la machine de guerre américaine, qui fonctionne au pognon, aux dessous-de-table, à la contrebande et aux arrangements pourris. C’est enlevé, jouissif, et incroyablement joué par Jonah Hill (le pote de DiCaprio dans “le Loup de Wall Street”). Bref, du fun sérieux. François Forestier

♥♥ “Free State of Jones”, par Gary Ross. Film historique américain, avec Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali (2h19).

L’histoire authentique de Newton Knight, un petit fermier de Jones County (Mississippi) qui déserte des rangs des sudistes pendant la guerre de Sécession pour prendre le maquis avec les Noirs en cavale. Révolté par l’injustice de l’esclavage, il organise une milice secrète et s’empare d’une partie du Mississippi, qu’il surnomme “l’Etat libre de Jones”.

Le film est entrecoupé avec une autre histoire, celle d’un arrière-petit-fils de Knight, qui épouse une métisse dans les années 1940, et qui tombe sous le coup de la loi (mariages interraciaux interdits).

Deux beaux sujets qui auraient dû faire deux films, et non un seul : l’ensemble est long, trop long, malgré l’intensité de l’interprétation de Matthew McConaughey. Dommage : il y a là un film formidable, si le réalisateur consentait à couper quarante-cinq minutes. F.F.

♥♥ “Victoria”, par Justine Triet. Comédie française avec Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud, Laurent Poitrenaux (1h36).

La blonde Victoria est le charme même, mais pour elle tout va mal. Cette jeune avocate accumule les emmerdements. Son baby-sitter la plaque (elle est mère de deux fillettes), son ex la persécute dans un blog ravageur, son meilleur ami est accusé d’avoir poignardé sa compagne devant témoins au cours d’un mariage, et elle accepte de le défendre, après avoir bien hésité. Comme si ce n’était pas encore assez, ses plans cul foirent systématiquement.

Pour Virginie Efira, en revanche, tout cela est pain bénit, de même que pour ceux qui l’entourent, Vincent Lacoste en zigoto perché qui se révélera fort utile, Laurent Poitrenaux en malfaisant barré lui aussi, Melvil Poupaud en client impossible.

Justine Triet a puisé son inspiration dans les comédies de la grande époque hollywoodienne : “Victoria” pousse jusqu’à l’absurde une logique qui n’en est pas une, au point de convoquer au tribunal un dalmatien et un singe en qualité de témoins.

Cannes : Efira, épatante “Victoria”

Et si le nom de Victoria est Spiks, c’est probablement qu’elle n’arrête pas de parler, même quand elle serait mieux inspirée de se taire. Ainsi lorsqu’elle plaide, chargée de médocs, et se trouve incapable d’aligner deux mots. Pour elle, c’est un problème, et pour le spectateur, une source de plaisir. Pascal Mérigeau

♥♥ “Mr. Ove”, par Hannes Holm. Comédie dramatique suédoise, avecRolf Lassgård, Bahar Pars, IdaEngvoll (1h56).

Mr. Ove, 59 ans, a tout essayé, de la corde au pot d’échappement, sans oublier le train à grande vitesse, mais rien ne marche. Même son suicide, il le rate. Depuis qu’il a perdu sa femme et son emploi, ce Suédois n’a plus de raison de vivre. Il lui en reste une seule : emmerder ses voisins.

Dans le lotissement où il habite, Mr. Ove consacre ses journées à surveiller les allées et venues, suspecter les étrangers, grogner contre tout ce qui bouge, noter sur un carnet ceux qui ne respectent pas les tableaux d’affichage. L’arrivée, dans un pavillon voisin, d’une charmante famille d’Iraniens ajoute encore à sa méchante humeur. Mr. Ove est un suicidaire qu’on a envie de tuer. A la fin, on voudrait l’embrasser.

Dans le rôle, Rolf Lassgård, qui a incarné neuf fois à la télé le bourru inspecteur Wallander de Mankell, fait merveille. En prime, dans cette comédie grinçante, une charge salutaire contre les “cravateux”, un dilemme exclusivement suédois : faut-il être Volvo ou Saab ? un éloge des chats de gouttière, et une méthode pour converser avec les victimes d’AVC.

L’histoire d’amour, en flash-back, du jeune ouvrier Ove et de sa belle et cultivée Sonja, ne s’imposait guère, mais elle n’empêche pas le film d’atteindre son but : essuyer les larmes avec le sourire. J.G.

♥♥ “Toril”, par Laurent Teyssier. Drame français, avec Vincent Rottiers, Sabrina Ouazani, Bernard Blancan (1h23).

Dans le sud de la France, entre élevages de taureaux et cultures maraîchères, le cannabis que trafique Philippe se vend mieux et plus cher que les tomates, carottes et abricots cultivés par son père. Quand ce dernier, surendetté, tente de mettre fin à ses jours, Philippe se place au service d’un réseau de trafiquants en utilisant l’entrepôt paternel situé au cœur d’un marché paysan. L’argent rentre, mais pas assez pour sauver l’entreprise. Alors, Philippe se résout à accepter de passer à la coke.

Ecrasés par le soleil autant que par un sort contraire, les personnages de ce premier film très prometteur se débattent au gré d’un récit bien agencé, qui recycle avec bonheur les codes du polar, et filmé avec une maîtrise enviable. Entre Vincent Rottiers (Philippe) et Bernard Blancan (le père), excellents l’un et l’autre, Sabrina Ouazini (“l’Esquive”) fait montre d’une sensibilité et d’un éclat qu’on souhaiterait voir sollicités plus souvent. P.M.

♥♥ “Les Démons”, par Philippe Lesage. Drame canadien, avec Edouard Tremblay-Grenier, Pascale Bussières, Pier-Luc Funk, Laurent Lucas (1h58).

Aux yeux d’un enfant de 10 ans, même protégé, le monde peut paraître menaçant. C’est ainsi que Félix le voit, en tout cas, et la réalité permet à certaines de ses peurs de prendre corps. Elles s’incarnent dans la personne d’un jeune maître-nageur qui pourrait bien être le pervers sévissant dans cette banlieue résidentielle.

Beau sujet, servi par la remarquable composition du jeune Edouard Tremblay-Grenier, et si la crainte louable de ne pas trop en dire conduit ce documentariste à ne pas en montrer assez, c’est qu’il revient au spectateur de se former sa propre vision des événements.

Un cinéma fragile, intelligent, à l’écart des routes balisées, qui témoigne d’une délicatesse propre à séduire les spectateurs attentifs. P.M.

♥ “La Taularde”, par Audrey Estrougo. Drame français, avec Sophie Marceau, Suzanne Clément, Marie-Sohna Condé, Marie Denarna (1h40).

Mathilde, professeur de lettres, pour éviter la prison à son homme, qu’elle a fait s’évader, choisit d’être elle-même incarcérée, sous la menace d’une peine de quatre ans de détention. C’est un peu compliqué, ça le devient plus encore lorsque, l’évasion ayant fait une victime, la peine encourue est de huit à dix ans, mais l’acrobatie est rendue nécessaire par la volonté de l’auteur que le personnage incarné par Sophie Marceau soit innocent et attire la sympathie.

L’actrice livre une composition si convaincante qu’on regrette, une fois de plus, que sa carrière soit peu en rapport avec ses capacités et sa popularité exceptionnelles.

Pour le reste, la jeune réalisatrice exploite avec une certaine habileté le décor de la prison et met bien en valeur sa distribution, dont Suzanne Clément et Anne Le Ny, cette dernière dans le seul rôle vraiment antipathique. P.M.

C’est raté

“Ainsi va la vie”, par Rob Reiner. Comédie américaine, avec Michael Douglas et Diane Keaton (1h34).

Michael Douglas joue un agent immobilier insupportable (veuf et égoïste), Diane Keaton, une voisine sympa (veuve et chanteuse). Tous les deux se détestent quand Michael est obligé de prendre en charge sa petite-fille dont il n’a rien à foutre, et finalement, comme prévu, après moult désagréments, ces deux héros du troisième âge tombent amoureux.

On a connu le réalisateur, Rob Reiner, plus inspiré (“Quand Harry rencontre Sally”, “Princess Bride”) : ici, tout traîne, tout est convenu, tout tombe à plat. Un requin qui n’avance pas, dit-on, meurt. Un film, c’est pareil. F.F.

“Where to Invade Next”, par Michael Moore. Documentaire américain (2h).

Contrairement à ce que suggère le titre et bien que Michael Moore s’obstine à planter le drapeau américain dans des pays étrangers, il ne s’agit pas d’invasion, mais d’inspiration. Aux questions qui se posent à la société américaine, Moore apporte les réponses qu’il est allé chercher en Europe (et en Tunisie). D’Allemagne, il rapporte la participation des travailleurs au conseil d’administration de leur entreprise. De France, les repas scolaires équilibrés. D’Italie, les vacances à rallonge.

C’est sympathique, Moore joue à merveille les ahuris, son optimisme se révélerait presque communicatif, n’était sa volonté frénétique de peindre en rose la réalité, à grands renforts de simplifications et de généralisations abusives. Ainsi, les enfants de France, auxquels les cantines servent des mets gastronomiques, ignorent-ils les sodas que consomment les petits Américains. Ainsi les patrons italiens se réjouissent-ils d’offrir à leurs employés huit semaines de congés payés, et une part de leurs bénéfices.

En vérité, cette nouvelle pochade de l’auteur de “Fahrenheit 9/11” provoque le même embarras ressenti face à des thèses convaincantes, mais exposées de manière si douteuse qu’on préférerait s’y opposer. Nul ne reprochera à Moore de penser que les femmes peuvent diriger le monde aussi bien, voire mieux que les hommes, mais enfin il existe tout de même dans l’histoire récente quelques exemples de gouvernances féminines dont l’ouverture aux questions sociales n’a pas ébloui. Michael Moore est-il si naïf que ses films le donnent à penser ? P.M.

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