Le Uber sans chauffeur va-t-il achever les taxis ?

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Le Uber sans chauffeur va-t-il achever les taxis ?

Date: 15 September 2016 | 2:36 pm

En pleine guerre contre les taxis, les chauffeurs Uber, le service de VTC, pourraient avoir à jouer la réconciliation pour affronter un nouvel ennemi  : la voiture autonome. Uber a lancé, mercredi 14 septembre, le tout premier test de véhicules de transport autonomes, à Pittsburgh (Etats-Unis). Dans cette ville de Pennsylvanie de 2,6 millions d’habitants aux rues étroites et autoroutes en pagaille, quatre Ford Fusion bardées de capteurs ont commencé à transporter un millier de clients.

Les véhicules sont chacun dotés de sept caméras pour repérer les feux de signalisation, d’un système radar captant les conditions météo, et de vingt faisceaux laser pour analyser en permanence à 360° ce qu’il se passe autour.

Comme un conducteur inexpérimenté

Lorsque le client monte dans le véhicule, il se retrouve face à un écran tactile où il renseigne sa destination, confirme le nombre de passagers et le bouclage des ceintures. Cet écran permet aussi tout au long du voyage de visionner l’environnement de la voiture reproduit en 3D (et de prendre des selfies).

Le “New York Times” a testé le Uber autonome, et dit “se sentir en sécurité la majeure partie du trajet. […] Mon Uber sans chauffeur s’arrêtait à bonne distance des voitures de devant aux intersections. [Il] respectait parfaitement la limite de vitesse même quand il n’y avait pas de véhicules autour.”

Le test du “New York Times”

Le verdict est plus mitigé pour le site Quartz, également testeur, même s’il ne s’est “jamais senti en danger” :

“Quand la limitation de vitesse était de 35 mph [56 km/h], la voiture était exactement à 35 mph. Et quand la vitesse augmentait, la voiture accélérait d’un coup pour atteindre la nouvelle vitesse, un peu comme un conducteur inexpérimenté.”
“La voiture ne circule pas avec assurance. Elle ralentit dès qu’elle s’approche de feux tricolores, et accélère dès qu’elle a enregistré qu’ils sont au vert.”

Le selfie dans le Uber sans chauffeur par Quartz

Dans un premier temps, tous les clients-tests sont accompagnés de deux techniciens d’Uber afin de reprendre le contrôle du véhicule en cas de bug, d’éviter tout accident et de rassurer les passagers.

Cette phase de tests doit durer 18 mois, au terme desquels les véhicules pourront se passer de techniciens. Une douzaine de nouvelles Ford Fusion vont rejoindre les quatre pionnières à Pittsburgh et, d’ici la fin de l’année, Uber étoffera sa flotte d’une centaine de Volvo XC90 autonomes.

L’inévitable risque d’accident

Les différents capteurs du toit des Uber autonomes (Gene J. Puskar/AP/Sipa)
Les capteurs du toit des Uber autonomes (Gene J. Puskar/AP/Sipa)

Pour ce qui est de la sécurité, Uber affirme que ses voitures autonomes n’ont jamais connu le moindre accident lors des précédents essais, et que cette phase de test grandeur nature vise à anticiper les éventuels futurs problèmes. L’éventualité paraît néanmoins incontournable.

En effet, en mai dernier, un premier accident a impliqué une voiture autonome, une Tesla Model S, qui roulait en mode “autopilot” sur une autoroute de Floride, avant de percuter un poids lourd, confondu par les détecteurs avec le ciel. Cet accident a coûté la vie au propriétaire de la Tesla, un Américain de 40 ans, et a débouché sur l’ouverture d’enquêtes des autorités américaines.

Un volant et des pédales

Tesla a tenté de minimiser l’affaire en affirmant qu’il s’agissait du premier accident mortel sur 209 millions de kilomètres parcourus. A titre de comparaison, la sécurité routière recensait en moyenne un tué dans un accident de la route tous les 100 millions de kilomètres en Europe en 2002.

Conscient de la difficulté de faire totalement confiance au pilotage des machines, Uber a prévu que ses véhicules autonomes demeurent équipés d’un volant et de pédales face au siège conducteur. Ainsi, dès que l’on touche les pédales ou que l’on tourne le volant, la voiture cesse d’être en mode pilote automatique, rapporte le site Mashable.

Mais, en cas de danger, l’automobile préférera toujours la sécurité. Ainsi, le site The Verge, qui a testé le Uber sans chauffeur, raconte :

“J’étais derrière le volant, à regarder dehors, quand le 4×4 Ford devant moi s’est arrêté d’un coup sans prévenir. Le temps s’est ralenti. Mon cerveau a envoyé le signal pour que je freine, mais avant même que mon pied ne bouge, la voiture s’est stoppée net toute seule. C’était brusque mais doux, le genre d’arrêt qui m’aurait valu un léger regard désapprobateur de ma femme.”

Uber et Google concurrents ?

Un Uber autonome et une Google car (Gene J. Puskar/Tony Avelar/AP/SIPA)
Un Uber autonome face à une Google car. (Gene J. Puskar/Tony Avelar/AP/Sipa)

“Les Uber autonomes ont un potentiel énorme pour accomplir notre mission et améliorer la société : réduire le nombre d’accidents de la route, qui tuent 1,3 million de personnes par an, libérer 20% de l’espace urbain encombré par les places de stationnement pour des milliards de voitures et réduire les embouteillages, qui font perdre des milliers de milliards d’heures par an”, vante encore Travis Kalanick, fondateur d’Uber.

Il jubile surtout d’avoir pris de vitesse tous les constructeurs de véhicules autonomes, en particulier Google. En effet, selon l’agence Bloomberg, le géant de l’internet prépare lui aussi son propre service de réservation de voitures autonomes. Le directeur du projet Google X, Chris Urmson, a ainsi exposé le scénario d’une ville de demain où des voitures sans chauffeur patrouilleraient dans les différents quartiers pour ramasser et déposer des passagers :

“Cela pourrait devenir très utile dans la vie des gens, et il y a beaucoup de façons d’imaginer son application”, a-t-il déclaré. “On s’oriente vers des véhicules partagés. La technologie sera telle qu’il suffira d’appeler la voiture et de lui dire où aller pour vous y rendre.”

La disparition des chauffeurs ?

Les voitures autonomes d'Uber à Pittsburgh (Gene J. Puskar/AP/SIPA)
Les voitures autonomes d’Uber à Pittsburgh. (Gene J. Puskar/AP/Sipa)

Cet enthousiasme masque toutefois mal l’enjeu financier d’une telle révolution. Pour un service comme Uber, supprimer les chauffeurs permettrait de réaliser de faramineuses économies. Selon le site Bvdinfo.com, les frais de personnel représentent en France, pour la compagnie de taxis G7 environ 85 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 324 millions d’euros, soit environ 26%. Même chiffre du côté des Taxis Bleus. Dans “Challenges“, le directeur de la société, Yann Ricordel, estime : 

“Nos frais de personnel représentent environ 30% de notre chiffre d’affaires.”

Rien n’indique que les chauffeurs Uber accepteront de se voir remplacés par des ordinateurs de bord. Mais ils ont le temps de s’y préparer : les spécialistes estiment qu’il faudra encore patienter entre cinq et quinze ans avant de voir de services de taxis sans chauffeur se démocratiser.

Boris Manenti

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