Le fabuleux destin d'un chef-d'oeuvre de l'art classique africain

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Le fabuleux destin d'un chef-d'oeuvre de l'art classique africain

Date: 10 September 2016 | 5:30 am

EXPOSITION– Une statuette Tsogho du Gabon du XIXème siècle a été restituée mercredi 7 septembre au musée du quai Branly, à Paris, grâce au galeriste Bernard Dulon et à l’historien des arts tribaux Bernard Goy. Elle avait disparu au musée de l’Homme il y a cinquante ans.

Une petite tête ronde expressive sur un très long cou de bois. La bouche entre-ouverte sous des sourcils froncés. La statuette Mbumba de culture Tsogho, du XIXe siècle, avait disparu depuis près de cinquante ans des réserves du musée de l’Homme, à Paris. Depuis jeudi 8 septembre, elle a retrouvé sa place muséale, au quai Branly qui fête ses dix ans d’existence.

Une cérémonie bon enfant de restitution a eu lieu mercredi 7 septembre à la galerie Bernard Dulon, rue Jacques Callot dans le VIe arrondissement. C’est grâce à lui que le chef-d’œuvre a été retrouvé. Bernard Dulon préparait une exposition dédiée à l’art issu des rites initiatiques du Bwiti, menés par le peuple Tsogho, une région reculée du Gabon, en Afrique centrale. Il la présente en ce moment même dans le cadre du Parcours des mondes, salon international à ciel ouvert, convivial et éclectique, des arts premiers et asiatiques à Saint-Germain des-Près.

La statuette Mbumba

La statuette Mbumba Crédits photo :

Or, la statuette ne serait pas réapparue sans l’historien des arts tribaux Bernard Goy, qui lui a proposé la réalisation d’un beau livre accompagnant son exposition. Consacré à l’art des Tsogho, mais aussi de leurs voisins Sango, Vuvi, Apingji et Eshira, l’ouvrage réunit les meilleurs spécimens de leur statuaire anthropomorphe, et les replace dans leur contexte historique. Durant ses travaux, Bernard Goy avait retrouvé un dessin du . En découvrant la publicité du projet, un collectionneur européen envoya une photo de la petite sculpture, qu’il avait achetée de bonne foi vingt ans auparavant. Ce fut le choc.

Dessin du père André Raponda-Walker.

Dessin du père André Raponda-Walker.

Bernard Dulon et Bernard Goy témoignent: «Quand nous avons reçu sa photo, la forme toute particulière de sa mâchoire, de ses yeux et de sa bouche a immédiatement provoqué une impression de «déjà vu». Quelque temps plus tard, le seul fait de prendre en main un nième fois l’ouvrage de l’abbé Raponda-Walker et de Pierre Silans, Rites et Croyances des peuples du Gabon, a soudain ravivé nos souvenirs. Le père André Raponda-Walker avait collecté cette statuette avant 1930, offerte au musée d’ethnographie du Trocadéro, puis il l’avait dessiné et publié sur l’objet en 1962. Avec fébrilité, nous avons retrouvé le dessin très précis de la statuette donnée par Raponda-Walker au musée du Trocadéro».

«Mise à part sa jupette en fibres végétales, notre statuette y ressemblait au dessin à s’y méprendre, poursuivent le galeriste et l’historien d’art. Walker et Sillans avaient pris soin d’indiquer dans une légende son numéro d’inventaire et une ancienne photo du musée de l’homme la montrait de profil. Pour sûr, c’était la nôtre. Sans doute pour effacer toute identification, la statue a été amputée de la base, ébauche de jambe et de pieds, et débarrassée de sa ceinture de fibres. Nous avons alerté l’avocat bruxellois Yves-Bernard Debie. C’est lui qui a mis tout en œuvre pour que cette pièce historique soit restituée au musée du quai Branly».

Sa valeur patrimoniale est énorme

Le doute subsiste sur l’origine de la disparition. «On ne peut pas dire qu‘elle ait été volée. Dans les années 1950, il y a eu des disparitions honnêtes, car des échanges se faisaient avec les conservateurs. À l’époque, peut-être ont-ils considéré que cela n’avait pas de valeur», affirme Bernard Dulon. Mais aujourd’hui le regard sur les œuvres d’art classiques africaines a changé.

Aux enchères, les prix flambent. Surtout quand les provenances sont exceptionnelles. Les œuvres collectées par les pionniers se font rares. Mais en voici, dans la prochaine vente organisée par l’étude Millon en collaboration avec Christie’s, le 15 décembre à Drouot, à Paris. Sera dispersée la succession de Madeleine Meunier, qui fut successivement mariée à Aristide Courtois et Charles Ratton. Chacun a joué un rôle majeur dans la découverte occidentale de l’art africain, Courtois en Afrique et Ratton à Paris. Les lots sont estimés jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros. Parmi les plus remarquables: «les pièces Sépik de Nouvelle-Guinée, certainement acquises auprès de Pierre Loeb, ainsi qu’une magnifique statuette Fang du Gabon, probablement acquise par Ratton chez Paul Guillaume», affirme-t-on chez Christie’s, qui doit exposer les pièces les plus remarquables en ce moment en ce moment, à l’occasion du Parcours des mondes.

Bernard Dulon se refuse à dire combien la statuette Tsogho aurait coûté sur le marché. «Sa valeur patrimoniale est énorme. Elle est inestimable. C’est zéro franc ou cinq ans de prison si vous êtes malhonnête!», conclut le galeriste dans une pirouette. Sa redécouverte tombe en tout cas à point nommé pour le musée du quai Branly qui prépare une exposition consacrée à l’art du Gabon pour 2017.

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