Jus d'herbe, baie de goji et avocat : non, les "supers-aliments" n'existent pas
Date: 12 September 2016 | 9:27 am
D’un point de vue médical et scientifique le “super-aliment” ne veut strictement rien dire.
Non, il n’existe pas de repas miracle capable de vous faire perdre cinq ans en un repas. L’avocat sur toast ne réduit pas plus les rides que le gratin de chou-fleur, les chips de kale ne font pas moins grossir que celles de pomme de terre et le raisin sec vaut largement les baies de goji séchées. Vous pouvez donc reposer le sachet de 500 grammes à 20 euros et croquer dans une pomme.
Deux régimes à suivre
Isolé, un aliment n’est jamais “super”. Tous les fruits et légumes sont bons pour la santé. Tous ont des fibres et des antioxydants dans des quantités plus ou moins similaires. La graine ou le fruit ne fait pas le centenaire. Il est d’ailleurs plus probable que votre espérance de vie soit réduite si vous vous contentez de ne manger que des produits proclamés “supers”par les magazines féminins.
En réalité, c’est un ensemble de produits composant un régime équilibré qui font un corps sain dans un esprit sain. Les deux régimes dont les effets bénéfiques sur la santé sont réellement prouvés sont le méditerranéen (appelé aussi régime crétois) et l’Okinawa.
Le premier consiste à manger des légumes, légumineuses, céréales, fruits et de l’huile d’olive. À l’inverse, les produits laitiers, les œufs, l’alcool et la viande sont consommés avec modération. Le régime méditerranéen passe surtout par le plaisir des sens. Voir des légumes de couleur variées, arrosés légèrement d’huile d’olive et saupoudrés d’épices ou de quelques graines. C’est aussi l’odeur du basilic ou de la menthe. En somme, suivre le régime méditerranéen, c’est opter pour des familles d’aliments qui amènent une prévention ou l’amélioration de maladies (hypertension artérielle, cancer…).
Le second régime – dont le nom vient aussi de son lieu d’origine, à savoir l’île d’Okinawa dans le sud du Japon – est semi-végétarien. Il encourage la consommation de fruits et légumes, les algues, les poissons et les céréales. Une philosophie accompagne ces aliments et le tout permettrait une espérance de vie hors du commun. La preuve, c’est sur l’île d’Okinawa qu’on trouve l’une des concentrations de centenaires les plus fortes du monde !
Prise de conscience
Pour résumer ces deux régimes : il faut consommer des produits relativement naturels, qui ne subissent pas de transformation industrielle, tout en variant son alimentation pour éviter les carences. L’important n’est donc pas de manger un aliment en particulier plutôt qu’un autre, tant qu’ils ont tous deux les mêmes propriétés.
Cela parait finalement assez logique. Sinon, vous imaginez bien que les “supers aliments” ne passeraient pas de mode et qu’ils seraient la base de notre alimentation. En réalité, on voit bien qu’une baie de goji chasse une graine de chia.
Cependant, on ne peut pas s’en vouloir d’avoir eu envie d’y croire. Après tout, s’il y a bien un domaine où l’on a envie de solutions miracles, tout aussi illogiques que désirables, c’est l’alimentation. Ce dont il faut se souvenir, c’est que les sciences médicales s’appuient sur des études et que pour le moment aucune ne prouvent la légitimité de “super aliments”.
À défaut d’avoir les propriétés qu’on lui prête, le “super aliment” a le pouvoir d’encourager une alimentation plus saine et une réelle prise de conscience.
La mode, la mode, la mode
L’effet de ces modes alimentaires est aussi bénéfique pour la santé que compréhensible.
Comme je le disais, nous sommes tous à la recherche d’une solution miracle lorsqu’il s’agit de la santé et plus particulièrement de l’alimentation. Nous rêvons la pilule qui rendrait mince en 24 heures ou celle qui ferait disparaître les rides. Elles n’existent malheureusement pas.
Cela étant dit, penser que l’alimentation peut avoir de telles vertus n’est pas totalement faux. Nous entendons souvent que “nous sommes ce que nous mangeons” et cela est en partie vrai. Suivre un bon régime alimentaire, sans privation ni excès, permet de vivre mieux et plus longtemps. L’impact de la nourriture sur notre corps et notre esprit n’est plus à prouver. Pourtant, cela n’empêche pas certains de continuer à manger au McDonald tous les midis.
C’est pourquoi, les modes des “supers aliments” sont toujours préférables à celles de la malbouffe et des pizzas trois fromages. Elles nous encouragent à faire attention à ce que nous mangeons et à faire des choix plus sains. Sans oublier la puissance de l’effet placebo. Si vous êtes persuadés que vos graines du petit-déjeuner vont vous donner la pêche, il y a de fortes chances que vous passiez une bonne journée !
Ces modes sont aussi plus encourageantes que celles des troubles alimentaires. En effet, les personnes au régime ont souvent tendance à bannir certains aliments pourtant parfaitement sains, comme la banane ou l’avocat. Par peur de grossir, ils font un blocage sur des fruits et légumes. À tort. Revaloriser ces produits est donc une bonne chose.
Les dangers des “supers aliments”
Malgré tout, abuser des “supers aliments” peut être néfaste. Pas réellement pour la santé, mais pour l’environnement au sens large.
Plus un produit est demandé, plus il va devenir rare et coûter cher. C’est ce qu’il s’est passé avec les baies de goji, le soja et aujourd’hui avec l’avocat. Le résultat de cet engouement sera une augmentation du prix de ces “supers aliments” pour tous les consommateurs. D’autant plus lorsqu’ils sont exotiques (et donc encore plus attractifs).
Leur consommation excessive et soudaine pousse également les fournisseurs à accélérer leur rythme de production. À tout prix. C’est donc comme cela que l’on se retrouve avec des forêts entières détruites et remplacées par des champs de soja démesurés. Tout aussi inquiétant, la cadence pousse les agriculteurs à produire plus mais moins bien. La qualité peut donc baisser.
Attrapent-rêveurs, les “supers aliments” ne sont rien de plus que des fruits, légumes et légumineuses pleins de vitamines, de fibres et de nutriments. Des livres de régime aux graines de courge, il s’agit davantage de séduction que de nutrition.
Propos recueillis par Barbara Krief