"Cahuc et Zylberberg doivent des excuses aux victimes de la Shoah"
Date: 14 September 2016 | 1:28 pm
Les mots ont un sens. Qualifier de “négationnisme” la pensée économique avec laquelle l’on n’est pas d’accord, c’est prétendre qu’il n’existerait qu’une seule Vérité révélée, avec menace d’excommunication pour les hérétiques.
Ceci n’est pas une mentalité de scientifique : c’est une mentalité de secte et de nouvelle Inquisition. Je m’étonne donc que Pierre Cahuc et André Zylberberg, tous deux des chercheurs, sortent du débat rationnel pour devenir des prédicateurs.
Il y a cependant plus grave. Le négationnisme est la contestation de la réalité du génocide des juifs d’Europe par l’Allemagne nazie ; et plus largement, d’autres grands génocides de l’Histoire, tels que le génocide arménien. Employer le mot “négationnisme” traduit donc, de la part de Pierre Cahuc et André Zylberberg, un très gros problème de confusion conceptuelle, car c’est mettre sur le même plan les économistes ayant avec eux des désaccords théoriques, et les gens qui contestent la réalité de l’extermination des juifs d’Europe ou d’autres génocides.
Ces deux hommes doivent donc sans aucun doute des excuses aux survivants des génocides, et aux descendants de leurs victimes, pour cette instrumentalisation indigne. Et ils doivent également des excuses aux économistes qui ne pensent pas comme eux, pour les avoir ainsi mis sur le même plan qu’un Dieudonné M’Bala M’Bala ou un Robert Faurisson.
“Brejnévisation” de la pensée économique
Par ailleurs Pierre Cahuc et André Zylberberg utilisent comme argument le consensus des chercheurs en économie. Le public français doit toutefois être conscient du fait qu’en France, comme dans plusieurs autres pays, les économistes partisans de la mondialisation malheureuse s’emploient à marginaliser et à asphyxier, dans le paysage universitaire, les économistes qui ne pensent pas comme eux.
Puisque les chercheurs qui pensent différemment sont aujourd’hui traités comme des hérétiques par les tenants du discours économique dominant, Pierre Cahuc et André Zylberberg sont donc de mauvaise foi lorsqu’ils prétendent que le consensus vaudrait argument.
Bernard Maris avait déjà décrit, en son temps, cette mécanique de transformation d’une partie des économistes en clergé d’une pensée unique. Il comparait cela aux prêcheurs de l’Église médiévale. Personnellement, cela me fait plutôt songer à l’enfermement des économistes officiels de l’Union soviétique dans leurs certitudes théoriques, alors même que sur le terrain, les preuves de l’impasse du système s’accumulaient.
Cette “brejnévisation” de la pensée économique française est extrêmement dangereuse pour la qualité du débat d’idées économiques dans notre pays.
L’économie, plus préoccupante que le terrorisme
Si le débat public ne fait intervenir quasiment que des économistes partisans de la “mondialisation malheureuse”, un débat économique pluraliste est impossible.
Si les tenants du discours économique dominant comparent leurs contradicteurs aux négateurs de la réalité de l’extermination des juifs par les nazis, l’impossibilité de débattre est encore plus grande.
Or, selon un tout récent sondage Elabe pour BFMTV, plus de six Français sur dix considèrent l’économie comme leur motif prioritaire d’inquiétude ; avant tout autre thème, même le terrorisme.
Et selon un sondage Ipsos d’avril 2016, six Français sur dix pensent que la mondialisation est une menace sous sa forme actuelle.
Si le débat public sert bien à traiter les préoccupations des Français, nous devons donc promouvoir des débats économiques raisonnablement contradictoires, ouverts, mutuellement respectueux, et pluralistes.