Sisco : des peines de prison requises contre tous les protagonistes

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Sisco : des peines de prison requises contre tous les protagonistes

Date: 15 September 2016 | 9:27 pm

Le procès de la rixe qui a éclaté, en août, sur une plage corse, s’est ouvert ce jeudi à Bastia. Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le palais de justice pour soutenir les habitants accusés.

Envoyée spéciale à Bastia

C’est une guerre des boutons musclée en plusieurs actes entre des Marocains et des jeunes du village de Sisco, en Corse, qui a mobilisé, ce jeudi, le tribunal correctionnel de Bastia. Une guerre qui a éclaté le 13 août dernier et qui, sur fond de propos nauséabonds, aurait pu finir dans le sang. «On a frôlé la catastrophe», selon le procureur, Nicolas Bessone, qui a requis des peines contre chacun des protagonistes des deux camps qui se sont opposés. Des condamnations avec sursis allant de 8 à 12 mois ont été proposées. Le magistrat a toutefois réclamé 2 ans ferme avec 6 mois avec sursis contre Mustafa Benhaddou, qu’il considère comme l’artificier principal de cette journée explosive. Ce procès de la rixe de Sisco, qui aurait pu être reporté, s’est donc finalement tenu, jusqu’à tard dans la soirée, certains avocats de la défense ayant renoncé au dépaysement de l’affaire qu’ils avaient sollicité.

Alors que les trois frères d’origine marocaine, les frères Benhaddou, devaient se présenter à la barre, deux d’entre eux ont fait faux bond. Seul Mustafa, unique détenu dans le dossier, a rendu compte de ce qui s’est passé de son point de vue au cours de cette journée prise dans la spirale de la violence. Le procès en a décortiqué les diverses étapes jusqu’à l’intervention finale des villageois de Sisco, dont deux d’entre eux ont été mis en cause.

Comportement «inadmissible »

Ce samedi 13 août, Mustafa, cet homme de 33 ans à l’allure sportive et qui s’exprime avec calme à l’audience, était avec ses frères et leurs compagnes respectives, à Sisco pour un moment de détente au bord de la mer. Les jeunes femmes se baignent en robe, l’une d’elles porte un voile. Pour être tranquille, le groupe décide de s’approprier la petite crique du village. Un comportement «inadmissible», selon le parquet. Seulement, dans cette guerre des boutons propulsée en 2016, où il est forcément question de jets de pierres de part et d’autre, une arme nouvelle s’invite. Le portable.

Avec son téléphone, un touriste prend des photos. Selon des témoins, Mustafa, qui dit ne pas se souvenir de la scène, et qui porte ce jour-là un short rouge, aurait lancé: «Sale fils de pute. Je vais monter en crever un.» Puis Jerry, 18 ans, un «petit de Sisco » arrive avec ses copains. À son tour, lui aussi, veut prendre des clichés. Mustafa y voit une provocation. Il décide d’aller causer avec Jerry qui, dit-il, l’aurait agressé en lui lançant: «Ferme ta gueule, sale Arabe .» Les jeunes aussi lançaient, selon lui, des cailloux. Le sang de Mustafa ne fait qu’un tour. Au procès, lui qui vit sur l’île depuis des dizaines d’années, se lance dans la surenchère de celui qui sera le plus corse: «Je me sens plus corse que lui (en parlant de Jerry, NDLR). Avant qu’il soit né, j’étais déjà corse», dit-il. Des rires étouffés surgissent du public. Partie civile, Jerry, qui est interrogé, dément cette version et relate les coups que lui assène l’homme au short rouge et qui brandit un couteau. Heureusement, la lame se brise sur un rocher.

L’audience, qui reprend les épisodes de ce 13 août, révèle que tout le monde ce jour-là est bien nerveux. Avisé des violences contre son fils, Jiri, un ancien militaire d’origine tchèque, entre ensuite en scène avec une formule aussi claire que l’eau des vagues venant mourir sur la crique. «J’ai demandé où étaient les enculés qui avaient frappé mon fils.» Il se prend un coup qui pourrait avoir été porté avec la flèche de harpon que brandit Mustafa, lequel remporte, ce jour-là, la palme de l’agressivité. Dans cet après-midi qui vire à un délire collectif de violence avec l’arrivée ensuite du village près de la crique, il agresse une automobiliste passant par là et la menace de son harpon toujours en main et d’une pierre. «Je me suis crue en guerre », dira-t-elle. Puis l’homme au short rouge tente de s’emparer de l’arme de service d’un des gendarmes qui interviennent en cette fin d’après-midi.

À la barre, un boulanger et un pompier

Dans cette bagarre généralisée où les coups pleuvent de tous les côtés, où des jets de cailloux fusent de part et d’autre, les villageois de Sisco, au nombre d’une centaine, ne sont pas en reste. Ils sont plusieurs à se battre, mais seuls deux d’entre eux sont pris dans la nasse des gendarmes. C’est le boulanger de Sisco et un jeune pompier de 22 ans de la commune. À la barre, ces deux-là ressemblent à deux braves gaillards égarés dans un tribunal. Mais ce 13 août, leur prestation n’est guère glorieuse. Alors que Jamal, l’un des frères de Mustafa est à terre, Pierre Baldi, le pompier lui porte un coup à la tête. Puis c’est au tour de Lucien Straboni, le boulanger, de se distinguer. Il frappe le même Jamal, inanimé sur une civière. Une vidéo a immortalisé la scène. Mais le boulanger rejoue une autre scène à l’audience. Selon lui, Jamal, qui n’est guère évanoui, lui aurait lancé: «Fils de pute. Je vais vous égorger.» Énervé, le boulanger n’aurait, dit-il sans trop sembler y croire, que frappé le brancard. Leur avocat, Me Marc-Antoine Luca s’offusque que l’on mette «ces deux-là dans le même sac» en voulant leur infliger aussi une sanction. «On ne peut mettre dans le même sac l’action et la réaction, les absents et les présents», plaide t-il. Le jugement était attendu tard dans la soirée.

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