"Je leur ai demandé d'enlever les menottes. Ils ont répondu non"

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"Je leur ai demandé d'enlever les menottes. Ils ont répondu non"

Date: 14 September 2016 | 4:06 pm

L’avocat de la famille d’Adama Traoré, Yassine Bouzrou, a déposé il y a deux jours une plainte auprès du procureur de la République de Pontoise pour non-assistance à personne en danger. C’est la troisième depuis la mort le 19 juillet dernier d’Adama Traoré. Le document vise cinq gendarmes, dont ceux à l’origine de l’interpellation du jeune homme retrouvé mort le jour de ses 24 ans dans la cour de la gendarmerie de Persan.

Mort d’Adama Traoré : ce que révèle l’audition du chef de patrouille

Tous étaient présents autour du corps d’Adama Traoré dans l’attente des secours. Comme le révèle l’audition du chef de patrouille, les agents des forces de l’ordre ont sorti Adama Traoré de leur véhicule en constatant qu’il “ne tient pas debout”, qu’il s’est uriné dessus, qu’il “fait un malaise”, qu’il est “clairement inconscient”. Le gendarme gradé affirme :

“J’annonce le placement en PLS (position latérale de sécurité) de l’individu, nous mettons sa chemise sous sa tête”. Et “j’ordonne de surveiller le pouls de l’individu et de vérifier de manière constante sa respiration”.

Dans l’attente des secours, Adama Traoré gît donc sur le bitume de la gendarmerie de Persan, sous une chaleur écrasante, les mains menottées dans le dos, prétendument en position latérale de sécurité.

En PLS, vraiment ?

L’audition du pompier devant les enquêteur de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) qui est alors intervenu, et dont l’émission “Quotidien” a révélé hier soir des extraits, montre plutôt le contraire de la situation décrite par les gendarmes. Le sapeur-pompier assure :

“Quand j’arrive sur la victime, il y a du monde autour, mais personne ne s’en occupe. La victime se trouve sur le ventre, face contre terre.”

Et non en position latérale de sécurité. Le pompier poursuit : 

“Je suis aidé d’un gendarme (…) pour le mettre en PLS. Je demande à ce gendarme de faire retirer les menottes de la victime qui sont toujours placées sur les poignets, mains dans le dos.”

Adama Traoré est donc “face contre terre, sur le ventre, mains dans le dos menottées”. Ce que le témoignage d’un gendarme adjoint volontaire vient confirmer devant les enquêteurs :

“La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il avait le visage tournée vers la porte, les yeux fermés, le ventre touchant le sol. Il était sur son ventre, à plat ventre.”

Clairement inconscient. Mais les gendarmes considèrent qu’Adama Traoré “simule un malaise quelconque pour faire casser la garde à vue”. 

Non assistance à personne en danger

Ils n’en démordent pas. Maître Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille, insiste dans sa plainte sur le fait que les pompiers ont dû insister plusieurs fois avant que les gendarmes acceptent d’ôter les menottes à Adama Traoré, alors que ce dernier est dans un état critique : “Je demande à ce gendarme de faire retirer les menottes de la victime qui sont toujours placées sur les poignets mais dans le dos”, explique le sapeur-pompier aux enquêteurs.

“Ce gendarme me répète que cet individu est violent et simule. Je constate que la victime n’a plus de ventilation. Je redemande au gendarme de retirer une seconde fois les menottes afin de commencer un massage cardiaque. Il s’exécute à enlever les menottes, les deux menottes malgré sa réticence apparente.”

Un autre pompier précise même : “Je leur ai demandé d’enlever les menottes, ils m’ont répondu que non, car cet individu venait d’agresser un de leur collègue et qu’il ne préférait pas car ce n’était pas la première fois qu’il simulait (…). Je demande à nouveau aux gendarmes d’enlever les menottes car je voulais placer la victime sur le dos. A nouveau, le gendarme me dit qu’il ne préfère pas mais que c’est moi qui prends la décision selon les soins à apporter à la victime. Il me dit que si je veux le démenotter, un gendarme en plus sera présent à côté de moi, au cas où.”

Adama Traoré ne simulait pas. Il était en train de mourir sous les yeux de cinq gendarmes.

Elsa Vigoureux

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