Limiter le cumul des mandats dans le temps? Le gouvernement était contre…
Date: 9 September 2016 | 12:20 am
Le discours du président de la République ne visait pas à déballer un programme pour 2017. Pour autant, François Hollande a glissé salle Wagram une première proposition: limiter le cumul des mandats dans le temps.
Ce jeudi matin, le discours de François Hollande était résolument porté sur ses valeurs. En particulier sur le respect des institutions et de la nécessité de les adapter à l’évolution de notre société.
LIRE AUSSI >> La cohésion nationale pour axe stratégique
Le chef de l’Etat a ainsi déballé son “idée” de la France, pour se positionner, sans l’assumer, dans la campagne présidentielle. Mais sur son discours d’une heure, il a tout de même glissé une proposition, une seule. La première dans l’optique d’une candidature pour un second mandat à l’Elysée. “Après la loi sur le non-cumul des mandats de parlementaire et d’un exécutif local votée en 2014, “je veux que l’on aille plus loin encore, en réduisant le cumul des mandats dans le temps”.
Cette proposition n’est pas nouvelle. De nombreux élus se prononcent même depuis des années pour que ce cap soit enfin franchi. Le député Grandguillaume vient de se l’appliquer à lui-même en annonçant lundi sa décision de ne pas se présenter lors de la prochaine législative, au nom du non-cumul dans le temps.
LIRE AUSSI >> Laurent Grandguillaume, espoir du PS, quitte la politique à 38 ans
Débats houleux au PS
Plus intéressant encore, les députés avaient, en 2013, introduit un amendement en Commission des lois visant à mettre en oeuvre cette limitation. Il s’agissait alors de limiter à trois le nombre de mandats successifs. Et si François Hollande se positionne aujourd’hui comme le chantre de l’exemplarité électorale, il se trouve que la disposition avait été enterrée de façon plutôt musclée… Par le gouvernement.
Les débats étaient même houleux à l’époque lors des réunions du groupe socialiste. Les échanges avaient alors tourné en une sorte de vote “pour ou contre le gouvernement”, confirme à L’Express la députée du Calvados Laurence Dumont. “Je n’ai plus les termes exacts mais c’était à peu près ça oui. Nous avions au sein des socialistes un groupe d’une quarantaine de députés qui souhaitait aller plus loin sur le sujet du non-cumul. Il y a un vrai clivage dans le parti sur ce sujet, et c’est vrai que l’on a eu des débats assez houleux. Les votes ont été très serrés sur cette question, mais il paraît que l’on a perdu, ironise l’élue. Nous n’avons donc pas déposé les amendements lors de l’examen.”
A l’époque, l’un des participants aux réunions du groupe PS rapportait à Mediapart que Bruno Le Roux aurait demandé aux députés qui étaient contre de lever la main. “A ce moment, lever la main semblait vouloir dire qu’on voulait la mort de François Hollande”. Comment expliquer que le chef de l’Etat ait pu ainsi revoir sa position? Interrogé à ce sujet, son entourage ne répond que par un mot: “L’expérience”.
Christophe Borgel était à l’époque le rapporteur du projet de loi. Si la limitation n’a pas été mise en oeuvre en 2013, c’est avant tout parce qu’il fallait selon lui obtenir une majorité suffisante. “Nous aurions pris de grands risques en changeant de braquet sur le cumul des mandats. Le vote était loin d’être gagné lorsque j’ai été nommé rapporteur, rappelle-t-il. Jusqu’à la veille du vote, nous n’étions pas sûrs à 100%. Il ne faut pas oublier que nous avons obtenu une avancée majeure sur cette question, que l’opposition propose aujourd’hui de défaire.”
Des difficultés juridiques?
Sur le fond, le rapporteur émettait aussi certaines réserves. “Je considérais qu’il pouvait être bon d’avoir au sein de l’Assemblée des personnes d’expérience, des piliers utiles au rapport de force avec l’exécutif, confirme-t-il aujourd’hui. Le 25 juin 2013, il affirmait devant les membres de la commission des lois qu’une telle limitation entrait “en “contradiction avec deux principes constitutionnels: la liberté de se présenter à une élection et la liberté, pour l’électeur, de choisir son représentant”.
Contacté par L’Express, le constitutionnaliste Didier Maus n’est pas aussi catégorique. “On l’a fait pour le président de la République en 2008. Dans ce cas, je ne suis pas certain qu’il faille modifier la constitution. Une habilitation par la loi organique devrait suffire. En revanche, il faut s’interroger sur l’ampleur de la limitation, il serait par exemple impossible d’interdire à un élu de se représenter après un seul mandat. Il faut trouver un nombre de mandats raisonnable. Deux, je n’y crois pas trop non plus. Peut-être trois.”
Pour le constitutionnaliste, une telle réforme pourrait en revanche nécessiter de revoir le statut d’élu, et la question de la reconversion. “Cela risque de relancer l’effroyable débat de la retraite des élus, poursuit le constitutionnaliste. Le danger, c’est qu’on ne leur donne pas de quoi vivre au titre de la retraite et qu’il leur soit très difficile de trouver un emploi après 10 ou 15 ans de mandat.”