Taubira et les malades de «la liberté de blâmer»

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Taubira et les malades de «la liberté de blâmer»

Date: 12 September 2016 | 3:26 pm

VIDÉO – L’ancienne garde des Sceaux a estimé dans les colonnes de Libération qu’elle n’a «pas les compétences pour guérir les gens du Figaro». Guillaume Tabard lui répond dans son contre-point.

Qui a dit que Christiane Taubira était arrogante? Qu’elle se croyait infaillible? Ce n’est pas au Figaro que l’on intentera ces procès à l’ancienne ministre de la Justice ! Croyons-la sur parole lorsqu’elle avoue dans Libération ce lundi : «Je n’ai pas les compétences…» Et lisons la phrase jusqu’au bout : «Je n’ai pas les compétences pour guérir les gens du Figaro.» Pauvres «gens» que nous sommes. Nous étions malades et nous ne le savions pas !

Malades, d’accord  ; mais de quoi, au fait? De «désinformation méthodique» sur son action. Qui agit avec «méthode» ne doit pas être totalement malade  ; mais passons… Christiane Taubira connaît le sens des mots, elle qui jongle avec eux dans des tweets qu’on ne peut trouver que géniaux et poétiques, sauf à être malades. C’est donc à dessein qu’elle utilise ce registre de la «pathologie». Car qui croit-on en général ? Le malade qui délire ou le médecin qui diagnostique? Pas besoin d’en dire plus : les propos du premier sont par principe discrédités et ceux du second par définition crédibles.

À la Chancellerie, Christiane Taubira a porté la loi sur le mariage pour tous  ; elle a défendu une réforme pénale supprimant les peines planchers et développant la contrainte pénale par refus du «tout-carcéral». C’était son droit. Plus encore, c’était son mandat, découlant des engagements de campagne de François Hollande. Mais ce droit impliquait-il l’interdiction de toute critique? Oui, Le Figaro a critiqué, souvent sévèrement, son action, ses prises de position. Publié des rapports, des études, des tribunes qui avaient le tort de présenter des arguments plutôt que de s’obliger au compliment. Et, précisons-le, sans jamais utiliser, ni relayer la moindre attaque ou injure personnelle. Taubira n’admet-elle que «l’éloge flatteur» et refuse-t-elle «la liberté de blâmer» que Beaumarchais rappelle sans cesse à notre quotidien?

Le Figaron’a pas été plus tendre avec le matraquage fiscal et tant d’autres actions du quinquennat. Des ministres ont pu s’en agacer, riposter, contester, argumenter. Aucun n’a mis en cause la santé mentale des journalistes, pardon des «gens» du Figaro. Des procès en folie, il y en a eu et il y en a encore sous des régimes où quiconque ne pense pas comme l’État mérite d’être soigné par les docteurs de la pensée. La «psychiatrisation» des opposants fut en effet l’argument imparable des procès staliniens.

Consolons-nous. Selon les critères de l’ancienne ministre de la Justice, il y a plus malade qu’au Figaro. C’est son successeur à la Chancellerie qui a parlé de justice «sinistrée». C’est Manuel Valls qui se félicite de voir son gouvernement agir «tout particulièrement depuis que Jean-Jacques Urvoas est garde des Sceaux». Et qui l’avait empêchée de présenter son texte sur la justice des mineurs.

Si c’était de la «désinformation» que s’alarmer de l’arrêt des constructions de prison, que dire de l’intention de Valls et Urvoas de construire d’urgence 10.000 places de plus? «C’était tellement gros qu’à la fin, cela me faisait rire», feint Taubira. Prenons-la au mot. Et rions avec elle.

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