"La loi Travail est un désastre. Elle m'empêche de débuter mon nouveau job"
Date: 15 September 2016 | 1:13 pm
Des codes Dalloz lors d’un entretien. Image d’illustration (POUZET/SIPA)
Mai 2016. Enceinte depuis quelques mois, j’apprends que l’entreprise dans laquelle je travaille depuis cinq ans ouvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et que mon poste sera très prochainement supprimé. Nos dirigeants nous encouragent vivement à commencer à chercher du travail pour nous porter volontaires, afin de ne pas nous retrouver sur la paille, licenciés.
Chercher du travail en étant enceinte : mission impossible ?
Ayant toujours eu l’esprit de contradiction, et aimant les défis, je me lance dans cette expérience aussi saugrenue qu’excitante. Après quelques entretiens qui ne donnent rien, principalement parce que les recruteurs ont besoin d’un candidat disponible immédiatement – et que moi, je ne le suis pas avant six mois – je reçois un coup de fil inespéré d’une société qui me propose le poste de mes rêves.
Je précise par téléphone que je me présenterai à l’entretien avec une petite surprise, puisque je suis alors enceinte de huit mois. Mon interlocuteur ne bronche pas et me donne rendez-vous la semaine suivante.
Je me déplace tant bien que mal jusqu’au lieu de rencontre et je passe au total deux entretiens. Le feeling passe si bien que mon potentiel futur manager accepte de me faire une proposition d’embauche et de m’attendre jusqu’à mon retour de congé maternité.
Waow ! Je n’en reviens pas. La légende urbaine est donc fausse : trouver un emploi en étant enceinte, c’est possible !
Je suis protégée et ça ne m’arrange pas
Enjouée, je présente donc ma candidature au plan de départs volontaires en juillet 2016 en demandant une fin de contrat dès mon retour de congé maternité si possible, afin de pouvoir commencer mes nouvelles fonctions au plus tôt.
Mais mon enthousiasme retombe très vite lorsque j’apprends que la femme enceinte est protégée pendant sa grossesse, pendant toute la durée de son congé maternité, ainsi que quatre semaines après son retour.
Je devrai donc effectuer un mois de plus dans ma société actuelle avant de pouvoir signer mon nouveau contrat.
Cela ne m’arrange pas du tout et ne me semble pas logique, mais sans possibilité de négocier, je décale donc de quatre semaines ma promesse d’embauche, avec ce futur employeur qui est décidément très conciliant.
La loi Travail est adoptée, je suis dévastée
Entre-temps, en août, la loi Travail est adoptée. Mon employeur actuel me contacte alors pour m’informer que la période de protection passe de quatre semaines initiales à 10 semaines. Je suis dévastée. Mon futur employeur a déjà beaucoup accepté, j’ai peur que ce soit la goutte d’eau et qu’au final, je perde tout et me retrouve au chômage !
Les RH de ma société, visiblement dans l’impossibilité de réduire cette période – même avec mon accord – par peur de se retrouver dans l’illégalité, me proposent alors une “solution” de secours : écourter mon congé maternité afin de commencer la période de protection plus tôt chez eux et de pouvoir ainsi signer mon nouveau contrat plus rapidement.
Au-delà du fait que je trouve cela révoltant de demander à une jeune maman de passer moins de temps avec son bébé, je réalise que cela ne servirait à rien, puisque la protection de la femme en congé maternité est absolue, qu’elle use ou non de son droit au congé.
J’ai l’impression d’être l’exception
Comment est-il possible qu’il n’y ait aucun recours possible pour les salariées enceintes qui voudraient commencer un nouveau travail rapidement ? Les lois disent bien que les femmes enceintes doivent être considérées au même niveau que les autres lorsqu’elles postulent à un emploi, et qu’on ne peut pas leur refuser un poste “juste” parce qu’elles attendent un bébé.
Mais alors, comment se fait-il que rien ne soit prévu pour une femme qui voudrait ne pas effectuer cette période de protection ? Pourquoi les forcer à passer dix semaines chez leur ex-employeur alors qu’elles ont un nouveau poste qui les attend ?
J’ai l’impression d’être l’exception, d’avoir trouvé une faille dans cette nouvelle loi, et d’être impuissante face au système.
Personne n’arrive à me fournir de réponses
Mon premier réflexe est de joindre le ministère du Travail début septembre par téléphone pour avoir un avis, des réponses.
Je tombe sur une opératrice visiblement pas intéressée par mon cas, qui me dit qu’elle ne peut rien faire pour moi et qui m’invite à envoyer un courrier si j’ai une réclamation. Alors que je tente tant bien que mal de lui expliquer mon problème, je l’entends parler avec sa collègue :
“Donne-moi un pain au chocolat, j’attends que la dame finisse de raconter sa vie.”
Quel intérêt de diffuser un numéro de téléphone si c’est pour avoir des personnes incompétentes qui nous manquent de respect au bout du fil ? Je ne me démonte pas et contacte également des avocats spécialisés en droit du travail, des syndicats, des conseillers juridiques ainsi que la DIRECCTE. J’ai toujours l’impression de leur poser une colle, ils sont tous, cette fois, concernés par ma situation délicate, mais aucun ne parvient à me fournir des réponses.
Faire passer une loi dans la précipitation
Visiblement, je suis un cas très particulier et la loi n’a pas pensé à l’exception qui confirme la règle. Dans les faits, c’est plutôt positif de protéger les femmes enceintes et de prôner l’égalité des chances, c’est vrai, mais quand cette “protection” se retourne contre elles et les met dans des situations délicates, que faire ?
J’aimerais que la ministre du Travail ainsi que toutes les personnes qui aident à faire adopter des lois dans la précipitation soient aussi impliqués au moment de les faire appliquer correctement dans la vraie vie.
Oui, il y a au moins une faille dans cette Loi Travail qui a souvent été défendue, et je souhaiterais que l’on s’intéresse à mon cas particulier afin de trouver un accord, une possibilité de déroger à ces semaines de protection qui n’ont pas de sens si un autre poste nous attend.
J’aimerais que la situation se débloque rapidement, avant de me retrouver piégée, à augmenter encore plus les chiffres du chômage.