Grève des enseignants à l'allure de test sur la réforme du collège

0
4429

Grève des enseignants à l'allure de test sur la réforme du collège

Date: 8 September 2016 | 4:26 am

Une grève enseignante après la rentrée c’est «toujours un pari risqué», analyse André D. Robert, spécialiste des mouvements syndicaux enseignants. Et ce alors que les cinq grèves organisées depuis l’an dernier n’ont pas réussi à mobiliser massivement.

La première grève de la rentrée, organisée ce jeudi 8 septembre par une intersyndicale composée du Snes, premier syndicat du secondaire, de FO, de la CGT et de SUD, Snep-FSU et Sundep fera office de baromètre de la mobilisation entamée au printemps 2015 contre la réforme du collège. Une manifestation est organisée à Paris au départ de la place de la Sorbonne, sans le Snalc, syndicat lui aussi opposé à cette réforme, qui a quitté l’intersyndicale après un désaccord. Désormais entrée en vigueur, la réforme, qui supprime une partie des classes bilangues et européennes, affaiblit la place du latin et instaure des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) a été fortement contestée par l’opposition, un certain nombre d’intellectuels, les associations disciplinaires enseignantes et une partie des syndicats enseignants. Ces derniers craignent notamment une diminution des horaires disciplinaires au profit des enseignements interdisciplinaires.

«Les collègues éprouvent un sentiment de lassitude»

Les cinq grèves enseignantes organisées depuis 2015 n’ont pas réussi à mobiliser massivement. Une grève sur ce sujet quelques jours après la rentrée, c’est toujours et d’autant plus «un pari risqué» pour André D. Robert, professeur à l’université Lyon-II et spécialiste des mouvements syndicaux enseignants que «les premiers jours après la rentrée, les professeurs ont la tête ailleurs. Ils sont dans la préparation de leurs cours, ils prennent leurs marques avec leurs élèves». Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, seuls 15,8% des enseignants avaient participé à ce mouvement en septembre dernier, un «semi-échec» selon le spécialiste qui avait toutefois débouché sur la préparation d’une grève plus suivie en octobre. «De toute façon l’intersyndicale ne se fait guère d’illusions. Ce qu’ils souhaitent c’est un desserrement de l’étreinte et une possibilité d’assouplir l’application de la réforme», poursuit-il.

Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes qui réclame effectivement «plus de souplesse» se veut prudente sur ces prédictions même si elle pense que la mobilisation devrait être «supérieure» à celle de septembre 2015: «Je n’ai pas trop d’idée. La grève est bien accueillie car les collègues éprouvent un sentiment de lassitude. Ils n’ont pas reçu, pour beaucoup, de manuels pour appliquer les nouveaux programmes ou ont reçu des manuels sans repères annuels, les EPI font grogner… Pour autant, j’ai reçu plusieurs messages d’enseignants relatant qu’ils avaient fait grève l’an dernier plusieurs fois sans résultat et qu’ils n’ont pas envie de perdre encore une journée de salaire.»

Abroger la réforme de l’intérieur

Pour Najat Vallaud-Belkacem, on assiste à une rentrée «apaisée», celle «de la réalité et non des fantasmes», après les polémiques, grèves et manifestations qui ont entouré la réforme depuis sa présentation il y a un an et demi. La ministre de l’Éducation nationale estime que les collèges réticents ne dépassent pas 5 à 10 % et a adressé une fin de non-recevoir aux demandes de moratoire. Moins optimiste, le principal syndicat de proviseurs (Snpden) parie sur 60 % de collèges qui l’appliqueront «par loyauté», 15 % «foncièrement opposés» qui se débrouilleront pour la contourner et ne pas l’appliquer. Quant aux 25 % d’établissements restants, ils «appliquaient déjà la plupart des mesures, notamment l’interdisciplinarité et la pédagogie par projet. Ils seront dans une forme de continuité» nous expliquait-on il y a quelques jours.

Le Snes a édité en mai un document invitant les enseignants à entrer en résistance pédagogique: ne pas mentionner l’aide personnalisée (AP) ni les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dans les emplois du temps, ne pas se sentir obligé de participer à certaines réunions. «Il faut refuser que les heures d’EPI ou d’AP soient retranchées des horaires disciplinaires sur un semestre et regroupées le trimestre suivant», est-il notamment indiqué. Concernant les nouveaux programmes de 6e, le syndicat «appelle à refuser toute globalisation des horaires du «bloc» SVT-physique-technologie comme en enseignements artistiques». Le syndicat avait déjà appelé à boycotter ou perturber les journées de formation à la réforme organisées par le ministère l’année dernière. Le Snalc a de son côté publié un mode d’emploi pour abroger la réforme de l’intérieur. De fait, sans participer à la grève, une partie des enseignants peut appliquer la réforme a minima en attendant une éventuelle abrogation, promise par plusieurs candidats aux primaires de droite après l’élection présidentielle.

Source link

LEAVE A REPLY

Please enter your answer!
Please enter your name here