Cette gauche bien décidée à perdre
Date: 13 September 2016 | 4:11 pm
Quelle occasion manquée, quel gâchis ! C’était il y a neuf mois, des personnalités issues de partis politiques, du syndicalisme et de la société civile appelaient à la tenue d’une primaire de toute la gauche pour désigner son candidat à la présidentielle de 2017.
EDITO. Une primaire à gauche ? Chiche !
Déçus ou désorientés par la politique gouvernementale, ils promettaient alors, pêle-mêle, de se battre contre les inégalités sociales, l’affaissement démocratique, la dégradation environnementale et la paralysie de nos institutions. Mais aussi, et surtout, de faire barrage au Front national et à la droitisation de la société.
Neuf mois plus tard, patatras ! Malgré une mobilisation citoyenne, malgré l’urgence d’une clarification, malgré l’impérieuse nécessité de rassembler la gauche, ce noble dessein s’est effondré comme un vulgaire château de cartes, laminé de l’intérieur par les petits jeux d’appareil et la guéguerre des ambitions.
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Règlements de compte
Il faut reconnaître que l’affaire ne s’était pas engagée sous les meilleurs auspices. Dès l’origine, ses promoteurs semblaient davantage animés par la volonté de régler leurs comptes avec le quinquennat finissant de François Hollande que par le souci d’œuvrer à une véritable recomposition.
Leur première erreur fut d’avoir naïvement cru que le rejet du pouvoir en place valait adhésion aux thèses de la gauche dite “critique”. Effarés par la déchéance de nationalité ou la loi El Khomri, nombre d’électeurs de gauche ne sont pas devenus pour autant révolutionnaires ni même radicaux.
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Leur deuxième erreur fut de vouloir en exclure François Hollande par principe au prétexte que les écologistes et les communistes le jugeaient inapte à rassembler la gauche. Drôle de façon de concevoir le débat et la démocratie… Et grave méconnaissance de notre système politique : on ne déloge pas un président de la République à coup de tribunes ou de pétitions…
Bien tard pour inverser la donne
Leur troisième erreur enfin fut d’avoir sous-estimé les rapports de force et le poids des ego. Cette primaire ne valait que si tout le monde y participait. Or l’intransigeance d’un Jean-Luc Mélenchon ou les atermoiements d’un Arnaud Montebourg ont achevé d’hypothéquer lourdement ses chances de réussite. A quoi bon prétendre rassembler son camp quand on n’est pas capable de commencer par rassembler sa chapelle ou son courant ?
Il semble aujourd’hui bien tard pour inverser la donne, et ce n’est pas le spectacle offert le week-end dernier à la Fête de l’Huma ou chez les frondeurs socialistes qui remettra du baume au cœur des défenseurs de la primaire.
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L’affaire est d’autant plus navrante que la gauche ne se relèvera pas sans avoir fait l’effort d’une recomposition et d’une clarification. Croire, comme certains, qu’une “bonne” défaite remettra les pendules à l’heure est aussi dangereux qu’irréaliste. Pour le pays d’abord, auquel la droite promet une cure libérale et un régime d’exception. Pour la gauche, ensuite, qui risque de végéter longtemps dans l’opposition.
Matthieu Croissandeau