"'Casse-toi, t'es grosse' : harcelée à l'école pendant 4 ans, le lycée a été une délivrance"
Date: 11 September 2016 | 10:27 am
Une classe d’un collège parisien, en 2008 (WITT/SIPA).
Quand j’ai lu le témoignage de Théo sur le harcèlement qu’il subit à l’école depuis longtemps, ça m’a fait mal parce que je crois que je sais ce qu’il ressent. Ça m’a rappelé des souvenirs. L’épisode des TPE ou du sport, quand il faut se mettre en équipe pour travailler et que personne ne veut de vous, je sais ce que c’est. Parfois, ça s’accompagne d’insultes ou de moqueries. Parfois, c’est juste des regards qui en disent très long. Ça m’est arrivé plein de fois au collège.
En CM2, de la colle sur ma chaise, des vols
Aujourd’hui, je suis en première L et ça va beaucoup mieux, mais ça n’a pas toujours été le cas. Mon histoire avec le harcèlement à l’école a commencé quand j’ai atterri dans une classe de CM2 en plein milieu de l’année scolaire. J’étais la petite nouvelle et tout de suite une fille m’a prise en grippe.
Je suis un peu devenue son souffre-douleur. Régulièrement, elle mettait de la colle sur ma chaise. Il lui est aussi arrivé de voler mes affaires. J’ai un livre comme ça qui a disparu. Sinon, elle se moquait de moi ouvertement… Si je l’approchais de trop près, j’avais le droit à des “Casse-toi”.
“Regarde comme elle est grosse, regarde ses grosses cuisses”
L’année suivante, en sixième, ça s’est mieux passé. Les gens m’aimaient bien, j’avais des amis, ça allait. Et puis en cinquième, ça a recommencé doucement. J’étais amoureuse d’un garçon à cette époque-là. Quand je le croisais dans les couloirs du collège, il disait à ses copains : “Regarde comme elle est grosse, regarde ses grosses cuisses”. Je me prenais ce genre de remarques tout le temps. En quatrième et en troisième, ça a pris des proportions beaucoup plus graves.
Au début de la quatrième, je suis arrivée dans une classe où je ne connaissais quasiment personne. Rapidement, je me suis rapprochée de deux filles mais j’ai vite compris qu’elles ne me parlaient ou ne m’accordaient de l’attention que quand il n’y avait personne d’autre que nous. En gros, j’étais vraiment leur bouche-trou, mais je ne me sentais pas de rester seule parce qu’au collège, la popularité, c’est quelque chose qui compte.
Pantalon baissé au milieu de la cour
La première fois qu’elles m’ont fait comprendre que je n’étais pas à ma place, c’était un midi au self. Elles devaient aller rejoindre des amis pour déjeuner, je les ai donc suivies. Après avoir pris nos plateaux, on est allés à la table mais il ne restait que deux places, donc je me suis retrouvée seule. Elles ne m’ont même pas regardé, elles m’ont juste dit : “Bouge”. Rien de plus. Je me suis retrouvée à aller demander à d’autres personnes de ma classe si je pouvais m’asseoir avec elles. C’était vraiment humiliant.
C’est très gênant mais je me rappelle aussi de cette récréation, où j’étais assise sur une barrière un peu en hauteur et une fille voulait que j’en descende. Moi je voulais rester, mais elle a commencé à me tirer… avant de finir par attraper mon pantalon. Je me suis donc retrouvée, pantalon baissé, au milieu de la cour. Sur le moment, elle a évidemment dit qu’elle ne l’avait pas exprès, mais je suis certaine que c’était volontaire.
Entretemps, j’ai rencontré une fille qui était en cinquième à ce moment-là. On était un peu pareilles, elle était toute seule… alors on a décidé de rester ensemble. Depuis, c’est ma meilleure amie.
Une humiliation devant tous les élèves du collège
Vu que je n’étais pas interne, il y avait des jours où je déjeunais au self et d’autres où je rentrais chez moi entre midi et deux. Un jour, j’ai dit à une de ces filles qu’une autre me “saoulait” un peu en ce moment. Le temps que je rentre déjeuner, elle avait déjà rapporté mes propos à la fille concernée en les déformant. Elle a carrément été lui dire que je l’avais traitée de pute.
Quand je suis revenue en début d’après-midi, ça a été le drame dans tout le collège. Je suis carrément faite engueuler au milieu de la cours, devant tout le monde. Ils se moquaient tous de moi, j’essayais de me défendre mais ça ne servait à rien.
Je me suis scarifiée deux fois, je voulais qu’on voit que j’allais mal
J’ai fini par m’enfuir dans un couloir et j’ai pleuré. À cette époque-là, j’allais vraiment très mal, je crois. Je me sentais complètement désespérée, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’en suis arrivée à me tailler les veines, à ce moment-là. Je ne l’ai fait que deux fois. Je crois que je voulais que les autres voient que j’allais pas bien. Mes parents l’ont découvert, je me suis pris une bonne engueulade. Ils sont allés voir l’infirmière du collège, mais elle n’a rien fait. Les profs, les élèves, ils ne savaient pas ce que j’avais fait.
Tout ça a quand même continué en troisième… Il y avait cette fille au sport qui me lâchait pas une seconde. Dès que je la croisais elle me disait de baisser les yeux et que j’étais qu’une grosse. La prof de sport était super raciste donc elle regardait ça sans rien dire, je pense qu’elle était bien contente de voir ce qui m’arrivait.
Il y a aussi eu cet épisode horrible en classe, où une prof m’a placée à côté du garçon que j’aimais en cinquième. Le mec a carrément décalé sa table en disant à tout le monde qu’il voulait pas être à côté de moi. Je me suis retrouvée en larmes au milieu de la salle… et personne n’a bougé.
Ces anecdotes ne sont qu’un petit échantillon de tout ce que j’ai vécu pendant ces années-là. Il y aussi des choses que j’ai oublié parce que j’ai mis tout ça derrière moi.
Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux parce que ça s’est arrêté quand je suis arrivée au lycée. Changement d’établissement, changement de têtes, pas de passé.
Propos recueillis par Henri Rouillier.
*son prénom a été changé.