Rixe de Sisco: vers un renvoi du dossier

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Rixe de Sisco: vers un renvoi du dossier

Date: 14 September 2016 | 7:39 pm

Le procès doit s’ouvrir ce jeudi mais les trois frères marocains mis en cause demandent le dépaysement du procès hors de Corse. Les tensions semblent loin de s’apaiser.

La plage, le ciel bleu, les vacances, la détente et tout a dégénéré. La rixe qui a éclaté le 13 août dernier au bord de la crique de Sisco, petite commune située au nord de la Corse, ne devrait pas encore connaître, ce jeudi, son dénouement judiciaire. Alors que l’audience devait se tenir dans l’après-midi, une demande de dépaysement adressée par Mes Philippe Ohayon et Ouadi Elhamaouchi devrait finalement aboutir à un renvoi du dossier, le temps que le procureur général de la cour d’appel de Bastia se prononce sur cette demande. Ce dernier dispose de dix jours pour rendre sa décision, par ailleurs, susceptible d’appel.

Cette requête intervient pour Jamal Benhaddou, l’un de trois frères marocains, poursuivis pour «violences en réunion avec armes». Lors de la bagarre, ils avaient été opposés aux villageois de la commune dont deux d’entre eux sont aussi mis en examen pour des faits «de violence en réunion».

Pour Me Philippe Ohayon, «il ne s’agit aucunement de douter de la justice en Corse». Mais trop de tension et trop de pression, notamment «le parti pris ostensiblement affiché par les autorités politiques locales» en faveur de la population de Sisco, imposent, selon lui, un procès ailleurs que sur l’île. «La sérénité des débats est mise en péril par les passions locales (….)», écrivent les deux avocats en rappelant l’ambiance qui avait régné lors d’une première audience le 18 août dernier et avant un premier renvoi. Aux abords du palais de justice, des centaines de manifestants étaient venus apporter leur soutien aux deux habitants de Sisco, Lucien Straboni, le boulanger de 50 ans, et Pierre Baldi, le pompier de 22 ans. À l’appel du parti indépendantiste Corsica Libera et dont le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, est un des dirigeants, un même comité d’accueil était attendu ce jeudi. «Il serait inéquitable que Lucien Straboni et Pierre Baldi puissent comparaître dans un climat de ferveur et les frères Benhaddou dans un climat de peur et de violence», soulignent les deux conseils.

«Une logique de caïdat»

Cette demande n’est guère appréciée de tous. Pour Me Gilles Antomarchi, partie civile et qui intervient pour deux habitants violentés – le père et le fils – par les frères marocains, elle ne se justifie pas. «Les débats peuvent se dérouler dans la sérénité en Corse et dans cette affaire il n’est question de rien d’autre que d’une agression scandaleuse d’une jeune de 18 ans.»

Toutefois, cette rixe ne semble guère pouvoir se réduire qu’à une «simple» bagarre. Le contexte des attentats en France, la chasse au burkini faite à ce moment-là dans le pays à coup d’arrêtés municipaux pour les interdire, semblent s’être greffés à l’affaire. Tant et si bien que l’on croit même voir des burkinis, sur cette crique de Sisco. Mais les violences qui auront lieu ont, en réalité, une autre cause. Ce samedi 13 août, plusieurs familles marocaines, dont la famille Benhaddou, se seraient approprié la plage «dans une logique de caïdat», selon le procureur de Bastia, Nicolas Bessone, qui était intervenu lors d’un point presse. À coups d’insultes et de jets de pierre en direction de quiconque s’approchant, les familles protègent ainsi ce territoire autoproclamé. Jiri, 18 ans, qui comme d’autres prend une photo de la crique, est alors menacé et agressé par Mustafa, l’un des trois frères Benhaddou, aujourd’hui le seul derrière les barreaux.

Des tensions réelles en Corse

Le village où est ramené l’adolescent blessé voit rouge. Épaulé de trois amis, le père de la victime descend vers la crique. Il relatera par la suite avoir été attaqué et blessé avec un harpon. Puis c’est l’arrivée de plusieurs dizaines d’autres hommes de Sisco et c’est la bagarre générale. Lucien Straboni et Pierre Baldi auraient porté des coups à Jamal Benhaddou, alors que celui-ci est à terre, puis étendu inanimé sur un brancard. La violence est telle que l’intervention des gendarmes a empêché, selon le procureur, «un véritable lynchage» des familles marocaines.

Le lendemain, l’affaire avait connu des suites. Plusieurs centaines d’habitants avaient défilé à Bastia aux cris de «aux armes! On est chez nous!». Lors de la même conférence de presse, le procureur avait bien alors tenté de recadrer l’affaire en affirmant qu’il n’y avait pas d’un côté «des personnes radicalisées» et de l’autre «de méchants racistes». Quoi qu’il en soit, la tension en Corse est toujours réelle. Elle pèsera dans la décision que doit rendre la justice sur un éventuel dépaysement.

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