Alstom : ce qu'il faut savoir pour comprendre la crise

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Alstom : ce qu'il faut savoir pour comprendre la crise

Date: 12 September 2016 | 4:42 pm

LE SCAN ÉCO – Le groupe, qui vient d’annoncer l’arrêt de la production de son usine de Belfort, va mieux depuis la vente de sa branche Energie à General Electric en 2014. Une croissance tirée par l’international car les commandes manquent en France.

Dossier Alstom, le retour. À peine deux ans après la vente de sa branche Energie à l’américain General Electric qui avait fait grand bruit, le groupe français revient sur la scène politique et s’invite dans la campagne pour la présidentielle de 2017. Il vient en effet d’annoncer l’arrêt de la production de trains à Belfort, pour la rapatrier notamment à Reichshoffen dans le Bas-Rhin.

Colère et sentiment de «trahison» des citoyens et élus locaux, réunion de crise à l’Élysée, agitations et commentaires acerbes de politiques toutes part… Le dossier Alstom cristallise les tensions. Voici toutes les clés pour comprendre ce qu’il se passe.

• Ce qu’a annoncé Alstom

La direction d’Alstom prévoit d’arrêter les branches production et études à Belfort en deux ans. Sur les 480 employés du site, seuls 80 resteront: ceux qui travaillent dans la maintenance. Les 400 autres salariés «se verront proposer un transfert vers une autre usine du groupe, notamment celle de Reichshoffen» dans le Bas-Rhin, a précisé la direction, qui assure qu’il ne s’agit pas d’un plan social.

• Pourquoi le dossier flambe?

Tout d’abord, l’annonce est vécue comme une trahison par les citoyens et élus locaux, car elle rompt une promesse qui avait été faite: au printemps 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, s’était rendu dans l’usine historique et il avait engagé sa responsabilité en promettant «zéro licenciement chez Alstom Transport». L’exécutif dénonce d’ailleurs les méthodes «inadmissibles» de la direction d’Alstom, assurant qu’il n’avait jamais été question d’un arrêt de la production à Belfort dans les discussions entre les dirigeants et l’État. Ce à quoi Alstom répond que le projet «fait suite à un contexte que tout le monde connaissait (absence de charge, perte de commandes, etc.).»

»» Lire aussi: Alstom: Hollande veut sauver le site de Belfort

Alors que la présidentielle 2017 approche, pour le gouvernement, l’idée est d’éviter que ce dossier tourne au fiasco, comme celui des hauts-fourneaux sidérurgiques d’Arcelor Mittal à Florange, devenue pour une partie de la gauche le symbole de l’impuissance du pouvoir socialiste. Ce que les autres partis politiques n’ont pas manqué de rappeler.

Est-ce qu’Alstom va mal?

Depuis que la branche Energie d’Alstom a été vendue à l’américain General Electric en 2014, le groupe, recentré sur ses activités de transport, va «très bien», comme le décrivait son patron en mai dernier dans les colonnes du Monde, après qu’Alstom a publié des comptes annuels 2015-2016 «record». Sur l’année 2015-2016, Alstom a réalisé un chiffre d’affaires de 6,9 milliards d’euros (en hausse de 7%), le résultat net a grimpé à 3 milliards d’euros dopé par la cession à General Electric, et sa marge est remontée à 5,3% (mais reste moindre que la concurrence). Au 30 juin 2016, le carnet de commande atteint 29,7 milliards d’euros, soit plus de quatre années de chiffre d’affaires.

Mais cette réussite est principalement dûe à ses activités à l’international, notamment dans les pays émergents. En France en effet, le marché ferroviaire est fragile et dépend principalement des commandes françaises, notamment de l’État français et de la SNCF, qui se sont amaigries ces dernières années, efforts budgétaires obligent. La charge de travail dans les 12 sites français d’Alstom va diminuer de près de 40% d’ici à 2018, selon le groupe.

Il y a quelques jours, une très mauvaise nouvelle est tombée: l’offre d’Alstom portant sur la fabrication de 44 locomotives de manœuvre et de travaux pour un montant de 140 millions d’euros n’a pas été retenue par Akiem, entreprise détenue à parité par la SNCF et Deutsche Bank, arrivée au capital en juillet. C’est l’allemand Vossloh -qui a par ailleurs des usines en Alsace- qui a été choisi.

• Ce que peut faire l’État

Quand Alstom a cédé sa partie Energie à General Electric, Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, a négocié avec Bouygues (qui était alors le premier actionnaire d’Alstom avec plus de 28% du capital), le prêt, pour 20 mois, d’actions et de droits de vote (pour 20%). L’État dispose d’un représentant au conseil d’administration, et d’un «pouvoir de parole», qui lui permet de contexter en public des décisions internes, pour établir un rapport de force face à la direction. En novembre 2017, l’État pourra acheter, s’il le souhaite, ces 20% de capital à Bouygues, au prix du marché. Au cours de ce lundi (23,7 euros), l’acquisition de près de 44 millions de titres Alstom coûterait… un peu plus d’un milliard d’euros.

Autre levier pour «sauver» Belfort, comme le souhaite François Hollande: augmenter la commande publique auprès d’Alstom. Mais en favorisant le groupe français au détriment de ses concurrents, les risques sur l’emploi ne sont pas effacés, puisque le canadien Bombardier ou l’allemand Siemens ont également des usines en France.

• Un secteur en pleine consolidation

Outre Bombardier ou Siemens, d’autres concurrents montent, comme le géant chinois CRRC, né de la fusion entre CSR et CNR -qui pèse désormais plus qu’Alstom, Bombardier et Siemens réunis-, l’espagnol CAF, le japonais Hitachi (qui a avalé deux italiens pour 1,9 milliard), le polonais Pesa ou le suisse Stadler. Dans cet environnement très concurrentiel, Alstom est affaibli. Mais depuis que sa branche Energie a été vendue à General Electric, le groupe est désendetté. Et son nouveau patron depuis le 1er février 2016, Henri Poupart-Lafarge entend s’immiscer dans la course à la consolidation. Un éventuel rapprochement avec Bombardier Transport fait l’objet de rumeurs récurrentes.

• Qui est Henri Poupart-Lafarge, le nouveau patron d’Alstom?

Henri Pourart-Lafarge.

Henri Pourart-Lafarge. Crédits photo :

À 46 ans, Henri Poupart-Lafarge a pris la tête d’Alstom, succédant à Patrick Kron, qui venait d’achever la vente des activités Energie à l’américain General Electric, recentrant le groupe sur sa branche Transports. Un choix logique puisqu’il avait été justement pendant trois ans, le directeur de la branche ferroviaire d’Alstom. Henri-Poupart-Lafarge a donc pris les rênes d’un groupe désendetté. Dans un portrait dans le Monde, il confie: «avant j’avais une maison mère ruinée, maintenant j’ai un pot de cash».

Né en 1969, diplômé de l’école Polytechnique, des Ponts et du MIT, l’ingénieur a commencé sa carrière en 1992 à la Banque mondiale à Washington, avant de rejoindre en 1994 la direction du Trésor à Bercy, lorsque Jean Arthuis était ministre de l’Économie et Alain Juppé premier ministre. Il est entré chez Alstom en 1998, a occupé plusieurs postes financers jusqu’à devenir, à 35 ans, le directeur financier du groupe. En juillet 2011, il est nommé président de la branche Transport d’Alstom, avant de devenir le PDG du groupe le 1er février 2016.

L’homme, qui n’aime pas que les médias dressent un portrait de lui, est le frère cadet d’Arnaud, qui dirige en ce moment le groupe français de câbles Nexans, et le fils d’Olivier Poupart-Lafarge, l’emblématique directeur financier de Bouygues jusqu’en 2008. En 2006, Henri Poupart -Lafarge a d’ailleurs négocié face son père, l’entrée du groupe de BTP Bouygues au capital d’Alstom, à la place de l’État.

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