Aurélie Dupont : une étoile à la barre

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Aurélie Dupont : une étoile à la barre

Date: 12 September 2016 | 4:00 am

VIDÉO – Elle est la nouvelle directrice de la danse à l’Opéra de Paris. Portrait d’une étoile qui n’en finit pas de briller et a de grandes ambition pour cette compagnie où elle a fait toute sa carrière.

En prenant sa retraite de danseuse étoile, il y a un peu plus d’un an, Aurélie Dupont s’imaginait être enfin plus disponible et plus libre pour ses deux enfants de 8 et 5 ans. Alors pour leur annoncer sa nouvelle nomination, «assez timidement, presque comme une enfant» avoue-t-elle, elle s’est approchée et leur a expliqué: «Je vais devenir le directeur de la danse de l’Opéra de Paris. Il y a eu un blanc, et mon plus petit m’a dit: ‘‘Mais maman, c’est directrice, pas directeur!”» Le message était passé. Et accepté. La voici aujourd’hui aux commandes. Elle était applaudie, elle est désormais sollicitée.

Danseuse étoile et directrice de la danse sont deux métiers bien différents. Aurélie Dupont le sait. Mais cette femme de caractère, de décision, sait aussi ce qu’elle veut. D’ailleurs entre ces deux postes n’a-t-elle pas refusé la fonction de maîtresse de ballet car les termes du contrat ne lui convenaient pas? «Je ne signe que ce qui me convient, j’ai bien fait, non?» interroge-t-elle, complice. Quand, l’hiver dernier, Benjamin Millepied a déclaré forfait, las de ne pas être accepté par la troupe, la direction de l’Opéra a pensé à elle pour reprendre son poste. Elle reconnaît avoir eu alors «plein d’insomnies» non pas causées par le stress, mais par les réflexions. «J’ai beaucoup réfléchi, même si à une telle proposition il est impossible de dire non».

Surtout qu’elle dispose d’un bel avantage: celui d’avoir fait ses classes à l’école de danse et toute sa carrière à l’Opéra. Autant dire qu’elle connaît aussi bien la maison que ses 154 danseurs. Une des plus grosses compagnies de danse d’Europe. Encore danseuse étoile il y a un an, elle continue de prendre tous les jours le cours avec ses anciens collègues «parce que cela me fait du bien et que je sens l’ambiance générale de la compagnie».

Son autre atout tient sans conteste à son caractère. Perfectionniste, elle ne s’en laisse pas conter. «Avec moi, la vie est facile parce que je fais ce que je veux. Je ne suis pas une compliquée» ose-t-elle avant d’ajouter aussitôt : «Je suis ‘‘assez” exigeante». Le terme est un euphémisme quand on connaît l’extrême rigueur d’une carrière d’étoile. Mais comme à son habitude, Aurélie n’affirme rien sans expliquer sa pensée. «Parce que je danse, parce que je sais ce qu’est le mouvement, ce qu’est le corps, je peux être très critique. Quand je regarde de la danse qu’elle soit classique ou contemporaine, je la sens dans mon corps. Ce qui m’importe c’est la vérité du geste. Je vois quand c’est juste, je vois quand c’est vrai, je vois quand c’est faux, même avec un chanteur d’opéra».

L’authenticité donc mais aussi une confiance totale en son instinct, et son flair que l’on comprend aigu, il lui suffit d’un instant pour se faire une idée exacte de son interlocuteur. Et de sa nouvelle fonction, elle a aussi une idée précise: «la directrice de la danse fait le menu, les maitres de ballet préparent et assemblent les ingrédients». Plus que tout, elle assume totalement la responsabilité artistique de ses choix et reconnaît même avoir une «liste énorme» de chorégraphies ou de ballets qu’elle désire présenter sur la scène de l’Opéra.

«C’est mon devoir d’apporter mon goût, et la vision que j’ai pour les danseurs de cette compagnie». En substance, elle se demande si tel chorégraphe ou tel ballet conviendra à cette troupe que l’on a par erreur déclarée ingouvernable. «J’ai la même réflexion pour le public. Peut-être que cela va les déranger mais c’est mon rôle. Je n’ai pas envie d’avoir de préjugés

Aurélie entend ainsi faire preuve d’audace: «On a tous du mal à sortir de son confort. Il faut du courage, il faut de la curiosité. Ça peut être déstabilisant surtout aujourd’hui où tout le monde a ses petits repères.» Quant à la capacité de la compagnie à faire le grands écarts entre tous les types de danse, elle n’en doute pas: «la compagnie est très ouverte. Elle est belle, elle est douée et surtout elle est prête à prendre des risques, j’en suis certaine et j’ai complètement confiance. Les danseurs ne demandent que cela. Si on ne donne que du Balanchine aux danseurs de l’Opéra de Paris, ils ne parleront qu’un langage, et je veux qu’ils parlent tous les langages. Il faut que ce soit contemporain, néoclassique, théâtral, surprenant, très physique, très lyrique…» Une diversité qu’elle défend jalousement comme ses «nécessaires» espaces de liberté. Elle veut donc «artistiquement continuer à chercher» car «Le danger de ce poste étant de s’y perdre.»

«Tous les ballets qui m’ont troublée, qui m’ont émue, parfois même dérangée, très vite ce sont des pièces que l’on a envie d’aborder. Parce que l’on s’imagine dedans et que l’on se dit tiens, comment serais-je, moi, dans le Sacre ? Dans Cendrillon ?». Avec un bémol toutefois, Le lac des cygnes qu’elle a abordé tardivement. «Probablement parce que ce n’est pas un ballet qui m’a fait rêver visuellement. Donc forcément mon approche du rôle était pleine de recul» Là encore une question d’instinct. Belle leçon de cette petite fille qui a convaincu ses parents que ce métier serait le sien. «On a besoin de leur prouver que ce choix est le bon. Essentiellement pour les rassurer, car c’est un métier très difficile physiquement et moralement. Il y a très peu d’élus. Si mon fils venait à me dire qu’il souhaite faire ce métier, je serais en panique alors que je connais la maison! Difficile d’être au top, difficile de ne pas y être, difficile de garder la foi quand on n’est que dans le corps de ballet, difficile d’être irréprochable quand on est danseur étoile. C’est aussi génial. Des difficultés et des doutes qui peuvent inquiéter les parents. Cela mérite donc de se justifier un peu». Comme d’être directrice de la danse à 43 ans.

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