Terrorisme, islam, Sarkozy… Ce qu'il faut retenir du discours de Hollande
Date: 8 September 2016 | 11:42 am
Ce jeudi 8 septembre au matin, devant la fondation Jean-Jaurès et le think tank Terra Nova, François Hollande a officiellement prononcé un discours sur le terrorisme. Mais c’est un discours de candidat à la présidentielle de 2017 que l’on a entendu.
Répondant pied à pied aux positions défendues par Nicolas Sarkozy, le président en fin de mandat a défendu l’action gouvernementale et développé sa vision de l’Etat de droit et de la laïcité dans un contexte de menace terroriste exacerbée. Ce qu’il faut retenir.
# “La démocratie sera plus forte que la barbarie”
François Hollande a assuré que “la démocratie” serait “plus forte que la barbarie qui lui a déclaré la guerre”, même si “le combat sera long, éprouvant, difficile”, en ouverture de son discours consacré à ce thème.
“Le terrorisme islamiste s’est érigé en faux Etat dirigé par de vrais assassins. Il dévoie une religion, l’islam, pour propager sa haine.”
Face à cet “ennemi cruel”, qui “interdit l’avenir et va jusqu’à nier l’Humanité”, le président a brandi la démocratie, “qui incarne le contraire : liberté, tolérance, respect, égalité”. A commencer par “la liberté”, “une force qui rassemble les énergies et devient irrésistible”.
“Pour avoir conduit depuis plus de quatre ans le combat de la République contre un fanatisme meurtrier, je n’ai aucun doute, malgré les épreuves, les drames et les larmes, malgré la peur, l’angoisse et la souffrance, nous vaincrons. La démocratie sera plus forte que la barbarie qui lui a déclaré la guerre”, a déclaré François Hollande, pour qui, cependant, “le combat sera long, difficile et éprouvant”.
“En même temps qu’avec le gouvernement de Manuel Valls je fais tout pour protéger les Français, je leur dois la vérité : la menace durera. Nous devrons donc l’affronter avec courage, fermeté et sang-froid”, a également souligné le chef de l’Etat, salle Wagram (17e arrondissement).
“Le sang-froid, c’est une qualité. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas d’émotions, que l’on n’est pas à un moment à avoir une compassion qui parfois nous submerge. Mais ça veut dire que nous ne devons jamais nous laisser emporter par la déraison”, a également développé François Hollande, rappelant que c’est lui qui était à la manoeuvre lors des attentats qui ont frappé la France.
# “Notre identité est ni heureuse, ni malheureuse”
Offensif, François Hollande a raillé les responsables de la droite qui “pensent que le pouvoir est là, à portée de main” et “que l’élection [présidentielle], c’est la primaire” organisée par Les Républicains (20-27 novembre).”L’Etat social […] lui-même est menacé. Et d’ailleurs souvent par ceux qui veulent mettre en cause l’Etat de droit”, a déclaré le chef de l’Etat.
Pour François Hollande, les responsables de la droite “pensent que le pouvoir est là, à portée de main. Ils y sont, ils s’y installent, ils s’organisent, ils pensent que l’élection, c’est la primaire, et que le reste n’a plus d’importance, que les Français viendront signer au bas de la page”.
“Eh bien, je veux le dire, au nom du suffrage universel dont je suis finalement, encore jusqu’au mois de mai, le seul qui en ait eu l’onction, je veux leur dire que dans une démocratie il y a l’élection. Ah ce n’est pas facile, l’élection. Il faut la mériter, il faut s’y préparer, et il faut respecter les citoyens”, a-t-il poursuivi.
Il tacle dans la même phrase à la fois Nicolas Sarkozy et Alain Juppé : “Notre identité est ni heureuse, ni malheureuse.” D’après le chef de l’Etat, la France est davantage une “idée” qu’une “identité”.
# “La laïcité n’est pas la religion d’Etat”
Réagissant à la polémique de l’été sur le burkini et aux propos de Nicolas Sarkozy, qui a réclamé une loi pour l’interdire, quitte à changer la Constitution, ainsi qu’une loi interdisant le port du voile à l’université, dans les administrations et les entreprises, le président a développé sa vision de la laïcité et de la place de l’islam en France.
“La laïcité n’est pas une mystique, elle n’est pas la religion d’Etat contre les religions, elle est un ensemble de règles et de droits qui organise la vie de la République”, a déclaré le chef de l’Etat, y voyant “avant tout un principe de neutralité qui s’impose à l’Etat mais aussi aux citoyens qui doivent le respecter”.
A ce propos, il a averti une partie de la droite souhaitant interdire législativement le burkini ou élargir l’interdiction du port du voile : “Je l’affirme ici, tant que je suis président de la République, il n’y aura pas de législation de circonstance, aussi inapplicable qu’inconstitutionnelle.”
Revenant sur la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, il a estimé que “la question qui est posée aujourd’hui, c’est de savoir si les principes posés il y a un peu plus d’un siècle restent adaptés maintenant que l’islam est devenu la deuxième religion de France”.
“L’islam peut-il s’accommoder de la laïcité comme l’ont fait avant lui le catholicisme, les religions réformées, le judaïsme ?”, interroge le chef de l’Etat. “Ma réponse est oui, clairement oui”.
“La question se pose aussi à la République : est-elle réellement prête à accueillir en son sein une religion qu’elle n’avait pas prévue avec cette ampleur il y a plus d’un siècle ?”, a encore questionné le chef de l’Etat, enchaînant : “Là aussi je réponds oui, clairement oui.”
“Rien dans l’idée de laïcité ne s’oppose à la pratique de l’islam en France pourvu qu’elle se conforme à la loi”, a certifié François Hollande, pour qui “nos lois suffisent”. “Il faut les appliquer dans toute leur vigueur et dans toute leur effectivité”, a-t-il poursuivi, soucieux de ne “pas laisser les intégristes faire pression par des provocations pour tester les limites de la République”.
# L’Etat de droit contre l’”Etat d’exception”
Prenant une fois encore le contre-pied de Nicolas Sarkozy, François Hollande a rejeté l’idée d’un “Etat d’exception” qui “suspendrait” l’Etat de droit pour lutter contre le terrorisme, dénonçant les “surenchères” et les “tours inquiétants” des propositions de la droite et de l’extrême droite.
“Non, les principes constitutionnels ne sont pas des ‘arguties juridiques’”, a répliqué le chef de l’Etat à son prédécesseur Nicolas Sarkozy, dénonçant des “reniements” qui seraient “autant de renoncements, sans nullement assurer la protection des Français”.
# Cumul des mandats : “Aller plus loin encore”
François Hollande a dit vouloir “limiter le cumul des mandats dans le temps” pour les élus, parmi une série de “réformes institutionnelles” à mener afin que la démocratie soit “renouvelée”.
Après la loi sur le non-cumul des mandats de parlementaire et d’un exécutif local votée en 2014, “je veux que l’on aille plus loin encore, en réduisant le cumul des mandats dans le temps”, a déclaré le président. Encore un point de désaccord avec Nicolas Sarkozy défavorable à ces limitations.
Quelles différences entre les candidats de droite ?
# Un président déjà candidat ?
Se gardant bien d’annoncer officiellement sa candidature, François Hollande a néanmoins répété qu’il pourrait “laisser la France” : “Je ne laisserai pas la France être abîmée, réduite, son Etat de droit contesté, son éducation réduite et sa culture amputée. C’est le combat d’une vie”, a-t-il conclu au terme d’une longue anaphore.
Le président a déjà listé les thèmes qui seront, selon lui, au cœur de la campagne à venir :
“La protection des Français, la cohésion nationale, le modèle social, la conception de la démocratie, la place de la France en Europe et dans le monde.”
Alors, François Hollande déjà candidat ? Il faudra encore un peu patienter : “J’ai annoncé que ce serait au début du mois de décembre et rien ne va changer”, aurait-il récemment confié, confirmant son intention de maintenir son calendrier. Et ce en dépit des appels du pied d’une partie de ses soutiens qui voudraient le voir se déclarer plus tôt.
Pourtant si François Hollande a été très applaudi salle Wagram – face à un public certes acquis à sa cause –, la réalité de l’opinion le place face à des sondages catastrophiques. Selon deux enquêtes d’opinions publiées ce mercredi, 88% des Français ne souhaitent pas le voir se présenter pour un nouveau mandat à l’Elysée, un chiffre en augmentation de 4 points depuis le mois de juillet. Pire, il serait éliminé dès le 1er tour de l’élection présidentielle dans tous les cas avec des intentions de vote en sa faveur historiquement bas, à peine 11% à 15%.
L.B. , M.B., L.T. et G.S. avec AFP