M.I.A., Céline Dion… La sélection musicale de "l'Obs"
Date: 9 September 2016 | 12:42 pm
Le choix de “l’Obs”
♥♥♥ “A.I.M.”, par M.I.A. (Polydor/Universal).
“Est-ce que Beyoncé ou Kendrick Lamar vont dire ‘Muslim Lives Matter’ ou ‘Syrian Lives Matter’ ? […] C’est un problème plus intéressant. Et tu ne peux pas le dire dans une chanson distribuée par Apple, tu ne peux pas en faire un tag sur Twitter, Michelle Obama ne va pas te soutenir.”
Et quand le “New York Times” publie un article pour dire qu’elle vit avec le fils d’un milliardaire, elle réplique en tweetant le numéro de téléphone de l’auteur du papier.
Britannique de culture tamoule, née sous le nom de Mathangi Arulpragasam, M.I.A. est interdite de visa aux Etats-Unis pour avoir naguère vanté l’action des Tigres tamouls au Sri Lanka, d’où sa famille est originaire. A 41 ans, elle revient avec une œuvre vivace aux rythmes frénétiquement dancehall, dont les frontières sont le thème central. Exemple : “Visa”, trémoussante chronique romancée des démêlés de M.I.A. avec les douaniers.
Qui sont les vraies filles badass de la musique ?
Officiellement, “A.I.M.” serait son “dernier album”, dit-elle. Mais on n’est pas obligé d’ajouter foi à ses coquetteries de diva londonienne. Le disque est bourré de petits missiles mélancolico-burlesques comme “Bird Song” (“Fredonnant plus haut que le drone, la colombe pleure”). Chanson coproduite avec son ex-petit ami, Diplo, du groupe Major Lazer, dont l’influence semble se propager sur tout le disque : écoutez donc “Talk” et l’inflammable “AMP (All My People)”, où M.I.A. démolit ses détracteurs à “l’acné monstrueuse”, non sans les maudire en évoquant les noms de deux célèbres rappeurs assassinés : “You Can’t Tupac Me/You Can’t Biggie Me.”
Longue vie à M.I.A., dégommeuse, inglorious bastard, moitié moment de la conscience humaine, moitié emmerdeuse. Fabrice Pliskin
Jazz
♥♥♥ “Celebrating Elvin Jones”, par Will Calhoun (Motéma/MustHaveJazz)
Ici, il a su s’entourer : Antoine Roney (sax), Carlos McKinney (claviers), Keyon Harrold (trompette) sont impeccables ; et Christian McBride, ce gymnaste olympique de la contrebasse, a des fulgurances extraordinaires. Coltranien, forcément coltranien. Grégoire Leménager
Ambient
♥♥ “Goodbye to Language”, par Daniel Lanois (Anti)
Et puis renoncer au langage, dans une époque où certains sont prêts à dire n’importe quoi pour faire causer d’eux, ça ne fait pas de mal. G.L.
Classique
♥♥♥♥ “Concert à Seattle (1964) : Beethoven (op. 53), Chopin (op. 2), Prokofiev (opp. 22 et 28), Debussy (‘images’ i), Prokofiev, Ravel”, par Emil Gilels (piano) (Deutsche Grammophon)
Son orageuse “Alborada”, d’une violence électrique, laisse sur place toutes les autres, et son prélude de Bach/Siloti vous tire les larmes, avec son élégance toute mangée de désespoir. Jacques Drillon
Pop
♥♥♥ “Foreverland”, par The Divine Comedy (Divine Comedy Records).
En Ray Davies mineur, ses chansons racontent un film en deux émotions et trois mouvements : l’engagement romantique de Gary Cooper dans “Beau Geste” fait la courte échelle à l’élégance grinçante rex-harrisonienne de “My Fair Lady”, les ensoleillements de Wordsworth succèdent à l’humour cinglant de George Bernard Shaw. Hannon ouvre un boogie par le braiment d’un âne ou s’offre un duo à l’heure du thé avec Cathy. Saine exubérance. François Armanet
C’est raté
“Encore un soir”, par Céline Dion (Sony/Columbia).
Pour sa sempiternelle reconquête du territoire français, la Québécoise a fait appel à nos auteurs : son ami Jean-Jacques Goldman, Serge Lama, Francis Cabrel, Grand Corps Malade. Mais sa voix reste aussi nuancée qu’inhabitée.
Nouvel album de Céline Dion : encore une daube
Dans les meilleurs moments, c’est sirupeux (“Encore un soir” et “Plus qu’ailleurs”), dans les pires c’est carrément bruyant.
La jeune Zaho, en particulier, entendra ses chansons (“Ma faille” et “Tu sauras”) massacrées sur des succédanés de musiques tribales assommantes. Assommant, c’est le mot. Sophie Delassein