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Le prélèvement à la source aboutira bien à un cadeau fiscal. La preuve

Le prélèvement à la source aboutira bien à un cadeau fiscal. La preuve

Date: 10 September 2016 | 5:48 am

A la demande de François Hollande, le gouvernement a décidé d’introduire le prélèvement à la source dans son projet de loi de finances 2017. Objectif : éviter aux contribuables de payer l’impôt sur le revenu avec un an de décalage. Si cette réforme impossible est menée jusqu’au bout, à partir de janvier 2018, pour les salariés, l’impôt sera directement prélevé par les entreprises, avant le versement des salaires.

Prélèvement à la source : comment ça marche

Comment va se dérouler la transition ? Pour réaliser ce décalage d’un an, le Trésor public va devoir sauter une année de revenus, appelée “année blanche”. En 2017, on paiera l’impôt sur les revenus de 2016, et en 2018, on paiera l’impôt sur les revenus de 2018. Autrement dit, on ne paie pas d’impôts sur les revenus de 2017. Cela signifie-t-il que l’on va être exonéré d’impôt en 2017 ?  “Absolument pas”, répète-t-on au ministère des Finances. C’est seulement l’année des revenus servant au calcul de l’impôt qui est modifiée.

“Il n’y a pas d’année blanche”, entend-on même parfois à Bercy.

Le gouvernement craint que les contribuables se réjouissent trop vite de la réforme et soient très déçus le jour où ils recevront leurs avis d’imposition comme chaque année. Et, c’est vrai, on va bien payer l’impôt chaque année. L’Etat ne peut se passer, pendant un an, d’un an de recettes, soit 75 milliards d’euros.

Et pourtant, ce que Bercy dit tout fort n’est pas tout à fait exact : il y aura bien un cadeau de près de 75 milliards d’euros. La démonstration demande un peu de concentration, mais un cadeau d’une telle ampleur n’en vaut-il pas la peine ?

Avec ou sans la réforme

Pour comprendre, il faut comparer ce qu’aura payé un contribuable d’aujourd’hui sur toute une vie sans la réforme, et ce qu’il aura payé sur toute une vie avec la réforme. Prenons un cas très – très ! – simplifié :

  • Pierre, salarié âgé de 35 ans en 2016, a commencé à travailler le 1er janvier 2007.
  • Il partira à la retraite le 1er janvier 2052.
  • Et il décédera le 1er janvier 2072.
  • Il aura travaillé 45 ans,
  • puis passé 20 ans à la retraite.
  • Supposons qu’il paie, en moyenne, 3.000 euros d’impôt sur le revenu par an quand il est salarié,
  • puis 2.000 euros d’impôt sur le revenu par an quand il est à la retraite.

Sans la réforme : 175.000 euros d’impôts

  • Pierre n’a pas payé d’impôt sur le revenu durant sa première année de travail, mais il paiera l’impôt sur ses derniers salaires lors de sa première année de retraite. Il aura payé sur ses salaires 3.000 euros pendant 45 ans, soit 135.000 euros.
  • Il ne paiera pas d’impôt sur ses pensions lors de sa première année de retraite, puisqu’il paiera encore des impôts sur ses derniers salaires. Ses héritiers paieront des impôts sur sa dernière année de pensions. Lui et ses héritiers auront donc bien payé 2.000 euros pendant 20 ans, soit 40.000 euros.
  • Au total, à la fin de sa vie, lui et ses héritiers auront payé, s’il n’y a pas de réforme, 175.000 euros d’impôts sur le revenu. Lui, 173.000 euros, ses héritiers, 2.000 euros.

Avec la réforme : 172.000 euros d’impôts

  • Le même Pierre n’a pas payé d’impôt durant sa première année de travail, en 2007. Mais lors de sa première année de retraite, il ne paiera pas d’impôt sur ses derniers salaires, car ils auront déjà été prélevés à la source l’année d’avant. Il aura donc payé sur ses salaires 3.000 euros durant 44 ans, soit 132.000 euros.
  • Lors de sa première année de retraite, il sera immédiatement prélevé sur ses pensions. Mais ses héritiers ne paieront pas d’impôts sur ses dernières pensions. Pierre aura donc payé 2.000 euros pendant 20 ans, soit 40.000 euros.

Maintenant, comparons. Sans la réforme, Pierre aura payé 173.000 euros d’impôt sur le revenu tout au long de sa vie. Et ses héritiers 2.000 euros. Avec la réforme, il aura payé 172.000 euros, et ses héritiers, zéro.

Grâce à la réforme, il (ou ses héritiers) paiera bien 3.000 euros en moins, soit une année d’impôt sur le revenu. On retrouve l’année blanche, effectuée en 2017. Seulement le gain pour Pierre n’aura pas lieu en 2017, mais d’abord lorsqu’il passera à la retraite, et ensuite après son décès. En gros, à chaque fois que son revenu baissera.

Pierre aurait bénéficié plus tôt dans sa vie d’une partie de ces 3.000 euros s’il avait eu une baisse de salaire durant sa carrière, que ce soit parce qu’il aurait changé d’emploi, parce qu’il aurait été au chômage ou parce qu’il aurait pris un congé.

Qui va bénéficier de ce gain ?

  • Tous les contribuables qui ont commencé leur carrière avant la réforme. C’est-à-dire quelque 15 millions de contributeurs. Et compte tenu de l’inflation, plus ils auront des baisses de revenus tôt, plus ils y gagneront. Cela concerne notamment les actifs qui préparent leur retraite, et tous ceux qui connaîtront un accident de carrière dans les années suivant la transition. “C’est une réforme redistributive”, dit-on même au ministère des Finances.
  • Et les jeunes ? Ceux qui commenceront à travailler après la réforme paieront un impôt sur le revenu dès leur première année de travail. C’est la perte d’un avantage qu’ils n’ont jamais connu. Car ce décalage se reportera chaque année. Autrement dit, cela ne changera rien pour eux. Ils ne gagneront rien non plus… sauf, comme nous l’avons évoqué plus tôt, au moment de s’acquitter des impôts sur le revenu d’éventuels parents, lors d’une succession.

Quid des finances publiques ?

L’année blanche ne pose pas de problème de recettes pour l’Etat : en 2017, il prélève l’impôt sur les revenus de 2016, et en 2018, sur les revenus de 2018. Il a donc chaque année une somme d’argent.

Les pertes de recettes décrites plus tôt sont réparties sur des dizaines d’années. Le total représente toutefois bien une année de collecte, celle sur les revenus de 2017, soit autour 75 milliards d’euros, dont il faut déduire les revenus qui ne sont pas concernés par le prélèvement à la source.

Le coût de cette année est lissé sur une quarantaine d’années, explique-t-on à Bercy. Et en raison de l’inflation, un euro dans 20 ans vaudra beaucoup moins qu’un euro d’aujourd’hui. Autrement dit, le gain pour le contribuable et la perte pour les finances publiques diminuera avec le temps.

Pour comprendre, on peut utiliser une autre image : l’impôt sur le revenu, tel qu’il est prélevé actuellement, est comme une dette que le contribuable contracte lorsqu’il touche ses revenus, et qu’il doit rembourser à l’Etat l’année suivante. Le passage au prélèvement à la source consiste à effacer cette dette en 2018. Et à faire en sorte qu’il n’y en ait plus, ou le moins possible.

 

La même démonstration en une infographie :

 

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