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Jean Mercier avait aidé sa femme à mourir : "Si c'était à refaire, je le referais"

Jean Mercier avait aidé sa femme à mourir : "Si c'était à refaire, je le referais"

Date: 8 September 2016 | 6:47 am

Dans son appartement de Sérignan, dans l’Hérault, Jean Mercier, 88 ans, boucle sa valise. Peu avant son procès en appel, il s’apprête à rejoindre sa fille Marie-Pierre, 59 ans, qui l’accompagnera une nouvelle fois.

“Je commence à être vraiment fatigué et suis bien content que cela se termine”, livre-t-il posément, comme à son habitude, sans jamais s’agacer ni hausser le ton.

En première instance, il y a un an, celui qui souffre d’un cancer de la prostate et de la maladie de Parkinson avait dû s’approcher du président du tribunal correctionnel de Saint-Etienne, dans la Loire, pour mieux l’entendre. Ce jeudi après-midi, il sera à nouveau jugé, à Lyon, en appel, pour avoir aidé sa femme à mourir.

Fin de vie : “Elle m’a dit ‘Apporte-moi les médicaments’. Je suis allé les chercher”

C’était le 10 novembre 2011. Josanne avait 83 ans. Dépressive depuis longtemps, souffrant d’une douloureuse fragilité osseuse, elle a déjà fait plusieurs tentatives de suicide. Quand elle demande les médicaments à son époux, celui-ci, feignant de ne pas comprendre, lui donne d’abord ceux de tous les jours. Avant de lui en tendre d’autres, en grande quantité, qu’il avait cachés de peur qu’elle n’y accède sur un coup de colère. Mais ce jour-là, après sa “supplication tranquille”, il les lui tend avec un verre d’eau, honorant, dit-il, une promesse de longue date qu’ils s’étaient fait l’un à l’autre.

“Le premier qui demandera quelque chose, s’il ne peut y arriver seul, sera aidé par l’autre”, nous confiait chez lui, en février 2015, celui qui a longtemps travaillé à EDF.

“On ne portera plus secours”

D’abord mis en examen pour homicide volontaire, l’octogénaire a finalement été renvoyé pour non-assistance à personne en danger. En septembre dernier, dans une salle d’audience bondée du tribunal correctionnel de Saint-Etienne, Jean Mercier, mains tremblantes, s’était expliqué.

“Je me serais senti coupable de ne pas avoir le courage de le faire. On s’était promis. Elle me l’aurait reproché”, avait-il entre autres déclaré.

 Sans convaincre le procureur, qui avait peu après requis contre lui trois ans de prison avec sursis. Il avait insisté sur “l’importance” d’une condamnation. “Si vous dites chaque fois qu’on a connaissance de la volonté de mourir, le fait de rester passif n’est pas une infraction, on ne portera plus secours”, s’était-il notamment emporté après s’être interrogé sur la capacité du prévenu à juger “sereinement” de la demande de sa femme. 

Il avait la possibilité d’agir mais il ne l’a pas fait car il avait peur de se faire réprimander si elle revenait à la vie”, avait-il également déclaré.

Jean, 87 ans, poursuivi pour avoir aidé sa femme à mourir

L’avocat de Jean Mercier, Mickaël Boulay, avait quant à lui insisté sur ce qu’il qualifie de “geste d’amour”. Ce jeudi, il compte à nouveau plaider la relaxe. “Décision aberrante”, avait-il asséné à la connaissance de la condamnation de son client, en octobre dernier, à un an de prison avec sursis.

Le tribunal a estimé que “l’on est bien dans un cadre de suicide assisté de quelqu’un en situation de fragilité”, avait expliqué l’avocat, mais il n’a “pas tenu compte des témoignages et des démarches engagées montrant qu’elle (Josanne) voulait en finir”.

Le président du tribunal avait aussi, sur ce point, lu à l’audience certaines déclarations de la soeur de Josanne selon lesquelles, “depuis trois ou quatre mois, elle allait mieux.” Ce qui n’avait pas manqué d’exaspérer Marie-Pierre et son frère qui, comme leur père, soutiennent le contraire. Pour Jean Mercier, sa condamnation n’en est pas vraiment une. “Si vous pensez que je suis l’homme décrit par le procureur, alors je suis un lâche qui mérite de la prison. Sans sursis”, avait-il déclaré en fin d’audience à Saint-Etienne. Avant d’être applaudi par l’assistance. Puis de faire appel. Ce que le parquet a également fait.

“Une évolution de la loi”

“Ils donnent des peines de principe parce qu’aucune loi digne de ce nom n’est encore votée. Peut-être cela sera-t-il le cas dans cinq ou dix ans”, souffle aujourd’hui le vieil homme qui dit “ne rien attendre du tout” de ce nouveau procès.

Ce qu’en attend son avocat ? “Jean Mercier attend surtout”, nous répond-il, “une évolution de la loi”. 

Depuis la condamnation, le Parlement a adopté une nouvelle loi accordant de nouveaux droits aux personnes en fin de vie. “C’est une amélioration, c’est vrai”, admet Jean Mercier, “mais ce n’est pas encore ça”. L’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), à laquelle il adhère, n’en pense pas moins. Comme à Saint-Etienne, elle prévoit un rassemblement de soutien, ce jeudi à la mi-journée, avant le procès. Son président Jean-Luc Romero fera le déplacement. Il demande au gouvernement “de légiférer vraiment sur les fins de vie pour que plus jamais un mari ne se retrouve en face de son épouse qui demande une aide à mourir et, plus généralement, que toute personne arrivée à la fin de sa vie puisse obtenir, en conscience, qu’un terme soit mis à ses souffrances”. Jean Mercier, lui, a prévu de faire de son mieux pour se faire entendre :

“Je tâcherai d’avoir les forces de crier que si c’était à refaire, je le referai, tellement je serai en accord avec ma conscience.”

Puis d’ajouter dans un soupir : “Quitte à prendre davantage. La peine m’importe peu”.

Céline Rastello  

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