PopularAsk.net – Your Daily Dose of Knowledge

Insultes, haine et fuite : Jérôme Cahuzac raconte sa vie de paria

Insultes, haine et fuite : Jérôme Cahuzac raconte sa vie de paria

Date: 13 September 2016 | 7:09 pm

Mardi 13 septembre, à 15h30, le président du tribunal interroge l’ancien ministre du Budget sur sa situation actuelle. Quelques minutes plus tôt, le prévenu n’a pu contenir un sanglot en évoquant à mi-mots des idées suicidaires en 2013. Ici, il répond longuement par plusieurs anecdotes. Verbatim.

“Ma vie sociale est extrêmement compliquée.”

“Je ne peux plus aller au cinéma, par exemple. J’y suis insulté. Cela me vise moi-même mais aussi mes ascendants ou mes descendants. Ces gens-là voient large… Quand je suis seul, c’est insupportable. Quand je m’y rends avec la femme que j’aime, des enfants, c’est atroce. Je ne peux pas leur répondre.

C’est arrivé à un tel point que mes enfants refusent désormais d’aller au restaurant avec moi. Ce n’est plus possible. Que puis-je vous dire d’autre? De façon régulière – cela a dû arriver une dizaine de fois en trois ans et demi -, alors que je rase les murs, y compris physiquement, et que j’ai même pris l’habitude de marcher en baissant les yeux afin que l’on me reconnaisse le moins facilement possible, il arrive que quelqu’un arrive et soudain m’insulte de la façon la plus basse qui soit en me filmant dans le même temps avec son smartphone afin de saisir ma réaction.

Une seule fois, dans un train, je n’ai pas supporté de devoir faire face à ce genre de situation. Je suis allé voir la personne qui m’insultait. Je pense que sinon, nous en serions venus aux mains. Je lui ai parlé. Lui ai demandé :

“Ça va ? Cela vous a fait du bien ? Cela vous a soulagé ?”

Curieusement, cela l’a totalement calmé. Il m’a interrogé sur la façon dont je vivais tout cela. Depuis, nous correspondons. Il m’a envoyé un mot avant ce procès. Mais c’est l’exception. Je ne vais plus jamais au théâtre. Plus à l’opéra, alors que j’aimais beaucoup cela.

C’est pour toutes ces raisons que je suis résident en Corse. J’y suis bien. Seul. J’y fais face malgré tout, même là-bas, à ce harcèlement permanent des photographes pour avoir une image de plus, comme si toutes celles qui existent déjà ne suffisaient pas.

A une occasion, il est arrivé que des amis se trouvent face à des paparazzi qui cherchaient ma maison. Ils les ont envoyé vers la direction opposée et à cinquante kilomètres de là. Cela m’a beaucoup faire rire. Comme les occasions de rire sont rares, j’en ai profité.”

[Le président demande comme il peut expliquer les réactions qu’il provoque]

“C’est de la haine. De la haine pour quelqu’un qui symbolise ce dont ils souffrent. Je suis peut-être responsable en partie de leur situation mais pas de tout.

“C’est de la haine violente, bête.”

Un jour, à la gare Montparnasse, après une banale histoire – un train raté, rien d’important – je me retrouve à faire la queue comme tout le monde pour échanger mon billet. Un homme est là, me voit et appelle sa fille au téléphone : “J’ai Cahuzac en face de moi.” Il ajoute en me tutoyant – puisque les gens tutoient facilement en pareille occasion – : “je vais te mettre une raclée.” Il lâche son sac. Je pose aussi le mien par terre. Il me fait face et se ravise en me voyant : “C’est vrai que t’as fait de la boxe !”

C’est tout cela, monsieur le président mais il n’y pas que cela, heureusement. Il y a les mots de compassions, d’amitiés qui bouleversent de la part de gens dont je ne savais rien. Ce sont ceux qui m’appellent ou qui m’envoient des messages. Juste des mots gentils…

En réalité, tout cela est dur pour moi. Mais après tout, c’est mon histoire. Je peux assumer. Mais les gens qui n’y sont pour rien ? Mes enfants ?  Mon fils qui cherchait du travail et qui a été récusé par une grande entreprise française ? La personne qui l’a récusé lui a dit : “avec le nom que vous avez, il a été impossible de vous embaucher !”

Que dire à son fils quand il vous raconte cela à part l’embrasser et lui dire que je l’aime ? Et la femme avec laquelle je vis ? Ce n’est pas son histoire. C’est la mienne. Elle est restée. C’est dur. Ce n’est pas à moi de juger si ce que j’ai fait mérite cela.”

Propos recueillis à l’audience par Mathieu Delahousse

L’incroyable début du procès Cahuzac

 

Source link

Exit mobile version