Face au terrorisme, Hollande doit convaincre, mais comment ?
Date: 8 September 2016 | 4:43 am
Dans le grand bazar des idées sur la lutte contre le terrorisme, François Hollande a tenté de se positionner au-dessus de la mêlée. Alors que les consultations ont lieu pour relancer la Fondation pour l’islam de France, que les débats sur l’interdiction du burkini ont agité l’été politique, que les menaces d’attentats sont plus présentes que jamais, que la surenchère sécuritaire bat son plein, le chef de l’Etat était resté, ces dernières semaines, relativement silencieux sur le sujet.
Jeudi, sur la scène de la salle Wagram à Paris, lors d’une rencontre co-organisée par la Fondation Jean-Jaurès, le think tank Terra Nova et la Fondation européenne d’études progressistes, il devrait en dire davantage, sur sa vision, sur ses certitudes. Dans ce qui est attendu comme un “grand discours” qui pourrait durer une heure sur “la démocratie face au terrorisme”, François Hollande devrait, selon son entourage cité par l’AFP, insister sur :
“L’importance d’une réponse au terrorisme dans le cadre de l’Etat de droit, de la démocratie et en étant fidèle aux valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité mais aussi la laïcité et tout ce qui participe de la cohésion nationale”.
“Sans jamais renoncer à ce que nous sommes”
“Ce sera l’un des discours importants de la rentrée sur un thème qui sera, à l’évidence, central en 2017”, a dit Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès.
Certains ont voulu y voir un signe de candidature. Certains ont même émis l’hypothèse d’une déclaration lors de cette prise de parole. “J’ai annoncé que ce serait au début du mois de décembre et rien ne va changer”, a coupé court le chef de l’Etat.
“Il s’agira de revenir sur la façon dont nous luttons contre le terrorisme –sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur-, […] Et sans jamais renoncer à ce que nous sommes”, a précisé son entourage à “Libération”, il y a quelques jours.
L’enjeu de cette première intervention présidentielle depuis les attentats de Nice dépasse l’échéance électorale certes, même on peut légitimement estimer qu’elle jettera les bases d’une éventuelle candidature. L’occasion aussi pour François Hollande de créer un consensus, alors que son camp se disperse, que le dernier sondage le donne absent du second tour de la présidentielle (en cas de candidature) et que la cohésion sociale est soumise à rude épreuve.
Hollande, chef de guerre
Pour faire consensus, François Hollande pourra s’appuyer sur ses actions à l’internationale. L’approche hollandienne de la lutte contre le terrorisme, c’est d’abord ses guerres. Celui à qui l’on a, longtemps, reproché de faire de la synthèse et du compromis sa marque de fabrique, n’a pas hésité à trancher dans le lard et à déclencher quatre interventions militaires pour lutter contre le terrorisme: au Mali, dans le Sahel, en Irak et en Syrie. Il était même sur le point d’en commencer une autre en menant une guerre contre Bachar al-Assad.
Et pourtant, nul ne l’attendait sur ce registre. Nul ne se doutait qu’il se sentirait aussi à l’aise dans l’habit de “chef de guerre”. Les attentats, revendiqués par des Français issus de groupes djihadistes, qui ont marqué la seconde parti de son quinquennat, lui ont re-donné la confiance qu’il avait perdue. Sa côte de popularité a explosé, surtout après les attentats de novembre. Dans “Conversations privées avec le président” aux journalistes Antonin André et Karim Rissouli, il a confié :
“C’est la semaine, celle des attentats [du 7, 8 et 9 janvier 2015, ndlr], où je suis devenu président dans le regard des gens […] J’ai montré que le pays était dirigé. Dirigé par moi.”
Hollande, protecteur de l’Etat de droit
Face à la tentation de la droite de modifier la Constitution pour lutter contre le terrorisme, face aux polémiques successives et passionnées sur l’islam, François Hollande pourrait aussi s’afficher dans d’autres habits, neufs ceux-là : ceux du protecteur de l’Etat de droit contre l’Etat d’exception imaginé par la droite.
“Les exigences de la sûreté, celle à laquelle notre peuple est tant attaché, sont compatibles avec les règles de la démocratie. Le risque serait de céder sur nos libertés sans rien gagner sur notre sécurité. Jamais jusqu’au terme de mon mandat, je ne considérerai l’Etat de droit comme un obstacle car ce serait la fin de l’Etat”, a-t-il déclaré le 20 juillet après l’attentat de Nice.
Sur le terrain idéologique, il pourrait jeudi, comme il a commencé à l’exposer mardi devant la communauté française d’Ho Chi Minh-Ville, donner sa conception de la France, expliquer qu’elle est davantage une “idée” qu’une “identité”.
“L’identité, c’est ce que nous avons fait dans le passé, qui nous a constitués, mais l’idée, le projet, ce qui nous anime, qui nous fait avancer, ça c’est l’essentiel”, a-t-il fait valoir dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur de France.
Selon un parlementaire proche du président, François Hollande va aller “plus loin que d’habitude” sur l’islam et la laïcité. “Il va donner sa définition de la laïcité”.
Sarah Diffalah