Discours de Wagram: les cinq fois où Hollande répond à Sarkozy, l'air de rien
Date: 8 September 2016 | 8:34 pm
Dans son discours sur “La démocratie face au terrorisme”, le président de la République a surtout multiplié les attaques contre son meilleur ennemi, Nicolas Sarkozy.
Jamais il n’a prononcé son nom. Mais dans le discours de François Hollande ce jeudi salle Wagram, l’ombre de Nicolas Sarkozy a plané du début à la fin. Presque chaque idée avancée par le chef de l’Etat faisait référence implicitement à son ancien et peut-être futur adversaire. Pour le chef de l’Etat, c’est clair: Nicolas Sarkozy, qui offre beaucoup plus de prises qu’Alain Juppé, doit remporter la primaire de la droite. Des tacles et beaucoup de sous-entendus. Décryptage.
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1. L’Etat de droit
Pour François Hollande, contre le terrorisme, la seule voie “qui vaille, la seule qui soit efficace, c’est celle de l’Etat de droit”. Une référence directe à Nicolas Sarkozy qui, dans son livre Tout pour la France, assure que, “contrairement aux 10 commandements reçus par Moïse, l’Etat de droit n’est pas gravé pour l’éternité dans des tables de pierre. (…) C’est une notion relative et vivante qui peut et doit être adaptée aux nécessités de l’époque (…). L’Etat de droit ne doit pas devenir un état de faiblesse”.
2. Les mesures anti-terroristes et anti-migratoires
“Pour défendre le droit, il faudrait commencer par l’abaisser”, a fustigé François Hollande qui a listé: “Recourir à des internements administratifs dans des camps. Enfermer les suspects sans discernement et sans jugement! (…) Ressusciter la Cour de sûreté de l’Etat. Revenir sur l’indépendance de la justice. Renier les droits de l’homme et la Convention internationale qui les soutient! Instaurer, en violation du droit du sol, l’insécurité juridique pour des centaines de milliers de jeunes nés en France. Supprimer le regroupement familial en rupture avec le droit européen.”
Chacun de ses points est là encore une référence précise au livre-programme de Nicolas Sarkozy. Le candidat à la primaire de la droite prône des mesures administratives de restriction de liberté – notamment le placement en centres de rétention fermé – contre l’ensemble des fichés S “susceptibles de constituer une menace pour la sécurité nationale”. Il souhaite la mise en place d’une Cour de sûreté antiterroriste à l’image de la Cour de sûreté de l’Etat du général De Gaulle contre l’OAS en 1963.
Afin de permettre l’expulsion des imams radicaux s’ils ont une famille, Nicolas Sarkozy propose une réinterprétation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui défend le droit à la vie familiale. L’ancien président de la République préconise aussi une réforme de cette même Convention afin de rendre possible l’expulsion systématique des étrangers condamnés à une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans, à l’issue de leur condamnation pour des infractions de droit commun. Mais Nicolas Sarkozy fait le lien avec la lutte anti-terroriste en estimant que “le pont entre la délinquance de droit commun et le terrorisme est trop large pour que l’on puisse garder en France des étrangers condamnés pour des délits graves”.
“Supprimer le regroupement familial” est par ailleurs également une idée de Nicolas Sarkozy mais celle-ci n’est pas liée à la lutte anti-terroriste. De même pour la proposition d’attendre les 18 ans d’un enfant de parents étrangers en situation régulière pour le reconnaître pleinement français, à condition qu’il n’ait pas commis de crimes et délits. Ce que François Hollande fustige comme de “l’insécurité juridique”.
3. La laïcité
“Je l’affirme ici, tant que je suis président de la République, il n’y aura pas de législation de circonstance, aussi inapplicable qu’inconstitutionnelle”, a affirmé François Hollande au chapitre laïcité. Une référence évidente à la position de Nicolas Sarkozy qui souhaite interdire le port du burkini sur la plage et dans les piscines sur l’ensemble du territoire. Sur RTL le 29 août, il avait indiqué qu’il irait jusqu’à “changer la Constitution” pour que cette loi puisse être adoptée.
4. Les “arguties juridiques” et Bygmalion
Dans son intervention de ce jeudi, François Hollande a recours à une anaphore sur les “arguties juridiques“. “Non, les principes constitutionnels ne sont pas des arguties juridiques. Une argutie juridique, le droit d’aller et venir? Une argutie juridique, la liberté d’expression? Une argutie juridique, la liberté de culte?” Il s’agit là encore d’une référence explicite à des propos tenus par Nicolas Sarkozy le 26 juillet dernier, dans la foulée de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. “Notre ennemi n’a pas de tabou, pas de limites, pas de morale, pas de frontières. Nous devons être impitoyables. Les arguties juridiques, les précautions, les prétextes à une action incomplète ne sont pas admissibles”, avait lancé le président des Républicains en interpellant le gouvernement.
L’anaphore de François Hollande s’achève, elle ainsi: “Une argutie juridique, la présomption d’innocence, bien commode à brandir quand il s’agit de plaider pour son propre compte?” Le chef de l’Etat n’hésite pas là à déborder sur les affaires et, évidemment, l’affaire Bygmalion dans laquelle Nicolas Sarkozy, mis en examen et donc présumé innocent, sera peut-être renvoyé prochainement devant un tribunal correctionnel.
5. Le cumul des mandats et le référendum
Au sujet de la loi de 2014 qui interdit le cumul des mandats, François Hollande a observé “qu’il y en a qui veulent revenir là-dessus, bel exemple de compréhension des évolutions de la société”. Allusion limpide là encore à Nicolas Sarkozy qui souhaite que les élus puissent exercer deux mandats. Une proposition qu’il entend soumettre par référendum le jour du second tour des législatives de juin 2017.
Une méthode référendaire également moquée par François Hollande ce jeudi. “Il y en a d’autres qui préfèrent le référendum, dont le risque est soit l’abus pour celui qui y recourt, soit le détournement pour ceux qui y répondent”.