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Charline Vanhoenacker : "Je suis en train de virer anarchiste"

Charline Vanhoenacker : "Je suis en train de virer anarchiste"

Date: 11 September 2016 | 5:38 pm

Avec son billet de 7h57 sur France Inter, l’humoriste belge coiffe au poteau, en termes d’audience, tous ses confrères. Et son émission “Si tu écoutes, j’annule tout” est la plus podcastée de Radio France. Celle qui se définit comme une “Calamity Jane” de l’humour rejoint la nouvelle “Emission politique” de France 2.

TéléObs. Pourquoi avoir accepté de conclure par un billet d’humour “l’Emission politique” de France 2 coprésentée par David Pujadas et Léa Salamé ?

Charline Vanhoenacker. Difficile de refuser pour l’ancienne journaliste politique que je suis, ex-correspondante belge en France de la RTBF et du “Soir”. Pendant dix ans, j’ai été considérée comme une journaliste de seconde zone, parquée comme toute la presse étrangère loin du petit bus VIP qui accueillait les journalistes du “Monde” ou de France 2. Je suppliais en vain les services de com pour avoir deux minutes avec les candidats à la présidentielle en 2012. Maintenant, je suis à l’avant du petit bus. Ça va dépoter !

Seriez-vous revancharde ?

– Non. Mais, étudiante, j’étais standardiste, payée une misère, pour “A vous de juger”, d’Arlette Chabot. Aujourd’hui, je suis ravie de participer à cette émission produite, non par un média privé ou une boîte de prod, mais par la rédaction de France 2. C’est une garantie d’indépendance. Et personne ne relira mon papier, ce qui se fait trop souvent en télé. Si je le souhaite, je pourrais le modifier jusqu’à la dernière seconde.

Vous tenez à garder vos distances avec les politiques, ça va devenir compliqué, non ?

– Pas du tout. S’il y a un pot à la fin de l’émission, j’irai boire un coup, parce que j’adore ça, mais je resterai dans un coin. Dans les couloirs de France Inter, je me tiens à distance d’eux, un principe de précaution que Léa Salamé trouve excessif. J’ai conscience qu’elle ou l’éditorialiste Thomas Legrand se doivent de discuter avec eux en off. Mais entendre les politiques dévoiler les intrigues des uns et des autres devant la machine à café, cela fait-il avancer le Schmilblic ? Je ne suis pas sûre.

Vous n’épargnez personne dans votre billet de 7h57 sur France Inter. Subissez-vous des pressions ?

– Ma direction ne me dit rien, mais je suis sûre qu’il y en a. Certains politiques, comme Nicolas Sarkozy, en prennent plein la figure avec moi mais ils ont compris qu’il valait mieux en sourire. Seul Jean-François Copé m’a appelée. J’avais écrit un dialogue dans lequel il répétait sans cesse “je suis profondément choqué” . Au téléphone, il a repris mes remarques une par une, m’expliquant qu’elles l’avaient atteint. Quand j’ai raccroché, j’ai dit : “C’était Jean-Francois Copé. Il est profondément choqué.”

En septembre 2015, vous avez comparé Maïtena Biraben à une domestique parce qu’elle avait déclaré vouloir être “polie” dans “le Grand Journal”. Cela vous a valu d’être écartée par Canal+ de “l’Emission d’Antoine” à laquelle vous deviez participer. Qu’avez-vous appris de cet épisode ?

– Je suis persuadée d’avoir bien fait. Le paraître des gens de télé me hérisse mais je me sens en communauté d’esprit avec Antoine de Caunes et les gens avec lesquels il travaille. Cela m’amusait de voir quel degré de liberté d’expression Vincent Bolloré serait capable d’accepter. Quand il a  “zigouillé” Les Guignols en les passant en crypté, moi qui déteste les religions, j’ai réagi comme une croyante pratiquante. Je suis venue en France, il y a quinze ans, pour la liberté de ton qui y régnait. On y portait atteinte et Maïtena Biraben acceptait de présenter “le Grand Journal” sans Les Guignols. Que le Premier ministre, Manuel Valls, fasse la première émission d’un programme qui entérinait la mort de la satire et la censure, cela m’a mise hors de moi. Même si je n’avais plus qu’à signer le contrat avec Canal, je ne voulais pas que ma liberté à Inter connaisse des limites à cause de ce projet extérieur.

Le fait que le service de presse de Canal+, persuadé que vous alliez critiquer Vincent Bolloré, ait refusé notre demande d’interview croisée avec Daphné Roulier, vous a-t-il surpris ?

– Ils ont l’air assez rancuniers. Je ne voudrais pas briser la carrière de Daphné Roulier, que j’estime énormément, mais c’est poilant. Cela montre le climat qui règne dans cette chaîne. C’est une forme de censure, un refus du débat. Etre le poil à gratter de Canal, cela me fait bien plaisir.

Votre émission quotidienne de 17 heures, “Si tu écoutes, j’annule tout”, avec Alex Vizorek, est la plus téléchargée de Radio France. Vous aviez commencé, il y a deux ans, face à Cyril Hanouna sur Europe 1, et vous faisiez figure d’outsider…

– J’avais oublié cela. En septembre 2014, il n’y en avait que pour Laurent Ruquier qui reprenait les “Grosses Têtes” sur RTL et Cyril Hanouna que l’on a vite dépassé en audience. Alex et moi, on a des noms à coucher dehors, on vient de nulle part, on parle de politique, on fait une émission un poil potache qui peut accueillir des philosophes. On a les mains dans le cambouis toute la journée. Je suis à Radio France de 7 heures à 22 heures. C’est la leçon de l’artisanat et du boulot. La preuve que David peut gagner contre Goliath.

Laurent Ruquier a pensé à vous pour “On n’est pas couché”. Etiez-vous tentée ?

– Cette proposition m’a énormément troublée pendant quelques heures. Mais il fallait que je lâche un de mes deux rendez-vous sur Inter. J’ai été incapable de choisir. C’est comme si j’avais deux mi-temps. Je consacre 60 % de mon temps à faire un travail de journaliste. J’ai besoin de dominer l’actualité pour la tordre. Contrairement à un humoriste, je recherche avant tout le “ah ! bien vu. Je ne l’avais pas envisagé sous cet angle”. Le rire est secondaire pour moi.

Comment en arrive-t-on là quand on est fille unique de profs, née dans un bassin minier, à 40 kilomètres de la frontière française ?

– Je ne sais pas. Je n’ai pas cherché à occuper ce poste très enviable, où je suis entourée de mes meilleurs amis et portée par l’audience. J’ai la chance immense de ne jamais avoir frappé aux portes. J’ai très vite su que j’étais curieuse du monde qui m’entourait, du coin de la rue jusqu’en Haïti. A 14 ans, j’ai fait mon premier reportage sur un vieux voilier avec la fondation Nicolas Hulot. Quand le public en aura marre de mon humour, j’aspire à redevenir journaliste.

Aviez-vous une âme de pitre à l’école ?

– Oui, j’ai toujours eu ce fond insolent, j’étais capable de rétorquer à un prof que j’étais en retard parce que les oranges étaient difficiles à presser en cette saison. Je faisais les 400 coups. Je vois toujours le côté absurde de l’autorité et des règles.

Vous avez été découverte par Daniel Schneidermann et Pascale Clark. Cela vous situe bien à gauche…

– Oui, mais je ne me reconnais ni en Jean-Luc Mélenchon, ni dans les Verts, ni dans le parti socialiste. Je me sens plus proche de la gauche alternative. Je suis en train de virer anarchiste. Mais je ne suis pas sectaire. La participation des employés au capital d’une entreprise, une idée plutôt portée par la droite, m’intéresse. Il faut sortir de cette théorie française que le centre est un ventre mou.

Dans la galaxie des humoristes, qui vous a nourrie ?

– Ma vocation est née en regardant “Téléchat”, sur Antenne 2, où un chat et une autruche parodiaient les JT. On jouait à les imiter avec mon père. J’ai fait mon éducation avec Les Guignols, “le Canard enchaîné”, “Charlie Hebdo”, Coluche et, plus tard, Nicolas Canteloup et Laurent Gerra. Aujourd’hui, j’aime les humoristes de France Inter, et aussi Blanche Gardin, Tanguy Pastureau, Gaspard Proust. Ceux qui en ont dans le pantalon.

Avoir le courage de dénoncer, de s’offusquer, de tourner les choses en dérision, c’est important pour vous ?

– Le courage est une vertu cardinale, que je recherche chez les autres. Mais je ne sais pas si j’en ai. Même si je pense n’avoir jamais reculé. Après l’attentat de “Charlie”, j’ai fait à l’antenne une interview de Mahomet pour montrer qu’il faut continuer de blasphémer. Mais je suis dans un studio de radio, à l’abri…

Vous n’avez jamais reçu de menaces ?

– Si [elle hésite] mais faut-il le dire ? Par réseaux sociaux interposés.

Calamity Jane de l’humour, ça vous va bien, non ?

– Oui, calamité plutôt. Tirer sur tout ce qui bouge, j’aime bien. C’est ma manière de vivre et d’aborder la réalité. M’obliger à chercher des mots pour faire rire et sourire, c’est mon mécanisme d’autodéfense.

Propos recueillis par Caroline Bonacossa

REPÈRES
1977. Naissance à La Louvière (Belgique).
2002. Devient journaliste à la RTBF et au “Soir”.
2014. Commence sa chronique à 7h57 et anime “Si tu écoutes, j’annule tout” à 17h00 sur France Inter.
15 septembre 2016.”L’Emission politique” sur France 2.

 

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