Voiture aux bonbonnes : retour sur cinq jours de traque

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Voiture aux bonbonnes : retour sur cinq jours de traque

Date: 9 September 2016 | 3:04 pm

Dans son discours consacré à “La démocratie face au terrorisme” jeudi, François Hollande a évoqué des “tentatives d’attentats déjouées”, notamment “ces derniers jours”. L’enquête autour de la voiture Peugeot 607 découverte à Paris et chargée de cinq bouteilles de gaz pleines et de trois bidons de gasoil, en donne une dernière illustration. Récit d’une semaine de traque.

Lundi 5 septembre

a Peugeot 607 suspecte, garée dans la rue de la Huchette à Paris (STR / CITIZENSIDE / AFP)
La Peugeot 607 suspecte, garée dans la rue de la Huchette à Paris (STR / CITIZENSIDE / AFP)

Dans la nuit de dimanche 4 à lundi 5 septembre, une voiture suspecte a été découverte dans la petite rue de la Huchette à Paris, près du Quai de Montebello et non loin de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, révèle “Le Figaro“.

Cette Peugeot 607, dont les plaques d’immatriculation avaient été enlevées, était stationnée, les clignotants allumés, avec cinq bouteilles de gaz pleines et trois bidons de gasoil dans le coffre. Une sixième bouteille de gaz, vide, avait été laissée sur la banquette arrière.

Si aucun dispositif de mise à feu n’a été identifié dans le véhicule, un torchon brûlé a été retrouvé, suggérant la volonté d’incendier la voiture pour qu’elle explose.

La Section antiterroriste (SAT) de la Brigade criminelle et la DGSI (Direction générale de sécurité intérieure) ont été saisies après le témoignage d’un employé de bar qui avait remarqué la présence de la bouteille de gaz sur la banquette arrière, selon une source policière.

Mardi 6 septembre

La Peugeot 607 et ses bouteilles de gaz (Capture d'écran/BFMTV)
La Peugeot 607 et ses bouteilles de gaz (Capture d’écran/BFMTV)

Mardi 6 septembre, une enquête préliminaire est ouverte par le parquet antiterroriste de Paris pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Selon “Le Figaro“, deux premiers suspects sont placés en garde à vue. L’AFP précise qu’il s’agit du propriétaire de la voiture et un membre de son entourage. Ils sont tous deux connus des services de renseignement, selon une source policière. 

Le propriétaire de la voiture suspecte, connu pour des faits anciens de prosélytisme islamiste, a été relâché dans la soirée à l’issue de sa garde à vue. Il a désigné sa fille, qu’il a décrite aux enquêteurs comme radicalisée, comme principale suspecte.

Le Parisien” rapporte que les enquêteurs de la DGSI l’identifient alors comme Inès Madani. Celle-ci fait déjà l’objet d’une surveillance et, selon une source policière au quotidien, aurait fait des confidences au téléphone sur son projet d’attentat avorté :

“Cette jeune femme a été entendue échanger de nombreuses informations avec son interlocutrice sur les faits de Notre-Dame-de-Paris. [Elle] a alors exprimé sa ferme volonté de repasser rapidement à l’action.”

Le Point” publie une capture de son avis de recherche :

Mercredi 7 septembre

Inès Madani, 19 ans, est activement recherchée à partir du mercredi 7 septembre.

Deux autres suspects sont interpellés dans la journée de mercredi, sur une aire de l’autoroute A7 proche d’Orange (Vaucluse), dans le sud de la France. Il s’agit d’un couple originaire de Montargis (Loiret) : un homme de 34 ans et une femme de 29 ans, tous deux fichés “S” pour leur appartenance à la mouvance islamiste radicale, selon l’AFP et BFM TV.

iTélé précise que le couple est proche d’Inès Madani. Selon “le Parisien“, la femme du couple, Ornella D., avait tenté de mettre le feu à la voiture piégée proche de Notre-Dame à Paris. “Le scénario élaboré par ces deux jeunes femmes consistait à mettre le feu à la 607 remplie de bouteilles de gaz pour tout faire exploser”, indique une source proche de l’enquête au quotidien.

“Elles ont donc tenté d’incendier cette voiture avant de quitter les lieux. Mais après s’être éloignées, elles ont fait machine arrière, voyant que le feu ne prenait pas.”

Selon “le Parisien”, en rebroussant chemin, les deux femmes ont cru apercevoir des policiers en civil, avant de prendre peur et de quitter définitivement les lieux.

Le couple interpellé s’apprêtait à se rendre en Espagne au moment de son interception, précise “Le Figaro“.

Jeudi 8 septembre, 8h

L'entrée du bâtiment où a été interpellé le couple, à Chalette-sur-Loing (GUILLAUME SOUVANT / AFP)
Le bâtiment où a été interpellé le couple, à Chalette-sur-Loing (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

Tandis qu’Inès Madani est toujours activement recherchée, un deuxième couple de 26 ans est arrêté près de Montargis dans le Loiret, dans la nuit de mercredi 7 à jeudi 8 septembre, selon une source policière à l’AFP.

Il s’agit du frère de l’homme du couple déjà arrêté. Les deux frères et leurs compagnes sont placés en garde à vue dans la région de Montargis (Loiret), confirme à l’AFP Franck Demaumont, maire PCF de Châlette-sur-Loing, ville de 12.000 habitants où le second couple a été interpellé. Le maire se dit “à demi-surpris” : “Il y a déjà eu des interpellations dans le Gâtinais”, citant notamment “celle d’un couple en avril 2015 à Saint-Maurice-sur-Fessard. Les deux enfants [de ce couple] étaient partis faire le djihad en Syrie.”

Selon un témoin de l’interpellation menée à Châlette-sur-Loing, le couple arrêté était “discret”. “Lui, je le connaissais comme ça – ‘Bonjour, bonsoir’ – c’était quelqu’un de discret, de très aimable. J’ai appris qu’il était vigile”, a déclaré Daniel Baray à un correspondant de l’AFP.

“Avec lui, il n’y a jamais eu de soucis, il partait au boulot, il revenait, point à la ligne.”

La ville de Châlette-sur-Loing compte trois mosquées. Toutefois, les suspects arrêtés “ne les fréquentaient pas”, rapporte à l’AFP Majid Halimi, enseignant dans la région.

Jeudi 8 septembre, 19h

L'une des suspectes arrêtée à Boussy-Saint-Antoine (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
L’une des suspectes arrêtée à Boussy-Saint-Antoine (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Jeudi 8 septembre, la principale suspecte, Inès Madani, est interpellée avec deux autres femmes à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), à 25 km au sud-est de Paris, par des policiers de la DGSI.

Au cours de l’interpellation, un policier est blessé à l’épaule à l’arme blanche par la principale suspecte. Un tir de riposte la blesse aux jambes. Selon RTL, l’une de ses complices aurait été également touchée à la tête et a été hospitalisée dans un état jugé désespéré.

Inès Madani, 19 ans, et ses amies Sarah, 23 ans, et Amel, 39 ans, sont “radicalisées, fanatisées”, selon le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve : 

“Elles préparaient vraisemblablement de nouvelles actions violentes et de surcroît imminentes”.

Le ministre a salué “l’action exemplaire et la très belle performance des services d’enquête et de renseignements” dans ce qui a été une “véritable course contre la montre”. Un riverain, Joachim Fortes Sanchez, dit à l’AFP avoir vu les trois femmes avant leur interpellation :

“Elles avaient l’air stressées, elles regardaient partout autour d’elles”, raconte-t-il.

D’après RTL, les trois femmes projetaient de s’en prendre à la Gare de Lyon et à une gare dans l’Essonne, après avoir abandonné la voiture chargée de bonbonnes de gaz. Un message d’alerte sur un risque d’attentat dans les gares parisiennes et en Essonne a été envoyé dans la journée aux policiers, précise une source policière à l’AFP.

“C’était alerte maximale. Partout !”, souligne alors une source proche de l’enquête.

Par ailleurs, Mohamed Lamine A., le compagnon de la suspecte Sarah H., est arrêté le même soir aux Mureaux (Yvelines), selon LCI. Il est connu des services de renseignement pour islamisme radical et est le frère d’un homme incarcéré pour ses liens avec Larossi Abballa, le tueur d’un couple de policiers à Magnanville, dans les Yvelines. LCI précise que Sarah H. avait eu pour projet d’épouser Larossi Abballa, juste avant que celui-ci n’assassine le couple de policiers, et soit tué dans l’assaut. Elle aurait ensuite eu le projet d’épouser Adel Kermiche, l’un des tueurs du père Jacques Hamel, également abattu.

Vendredi 9 septembre

Des policiers à Boussy-Saint-Antoine (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
Des policiers à Boussy-Saint-Antoine (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

RTL rapporte, vendredi 9 septembre, que la principale suspecte, Inès Madani, 19 ans, a prêté allégeance au groupe djihadiste Etat islamique (EI ou Daech). Les policiers ont retrouvé sur elle une lettre en ce sens, affirme la radio.

RTL précise que les trois femmes interpellées voulaient, selon la lettre, venger la mort du porte-parole et numéro deux de Daech, Abou Mohammed al-Adnani, surnommé “le ministre des attentats”.

Mort d’Al-Adnani, “ministre des attentats” et porte-parole de Daech

Fichée “S”, Inès Madani était connue des services de police pour des velléités de départ en Syrie.

Et maintenant ?

“Un groupe a été annihilé, mais il y en a d’autres”, a commenté François Hollande. L’investigation se poursuit toutefois. Les enquêteurs cherchent désormais à savoir si les trois jeunes femmes ont bénéficié de complicités et à déterminer si leur projet a été inspiré ou téléguidé par un de leurs contacts qui pourrait se trouver en Syrie.

Selon “Le Monde“, les enquêteurs ont découvert que les jeunes femmes sont en relation avec un donneur d’ordre situé en zone irako-syrienne. Ces dernières semaines, plusieurs projets d’attentats déjoués étaient pilotés à distance par Rachid Kassim, un djihadiste roannais très actif sur les réseaux sociaux. Il est considéré comme l’instigateur du meurtre du prêtre Jacques Hamel dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 26 juillet.

Selon “Le Parisien“, l’une des trois femmes interpellées était en contact sur internet avec Hayat Boumeddiene, compagne du terroriste de l’Hyper Cacher Amedy Coulibaly et qui a fui la France peu avant les attentats de janvier 2015.

De son côté, “Le Monde” affirme que la femme du couple arrêté sur une aire d’autoroute près d’Orange était proche d’une sœur d’Hayat Boumeddiene. 

Boris Manenti

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