2017 : Hollande au pied du mur
Date: 7 September 2016 | 6:17 pm
VIDÉO – Le président prononce ce jeudi un discours offensif sur le terrorisme et la démocratie. Affaibli, il joue gros.
Quitte ou double. Rarement discours aura revêtu une telle importance au cours du quinquennat, jusqu’à faire presque figure de discours de la dernière chance. François Hollande doit s’exprimer jeudi en fin de matinée sur la démocratie face au terrorisme devant le think-tank Terra Nova et la Fondation Jean-Jaurès, salle Wagram, à Paris. Au-delà du sujet abordé, le chef de l’État devrait en profiter pour tracer les perspectives d’un éventuel second mandat et tenter ainsi d’accréditer l’hypothèse d’une candidature à la présidentielle, alors qu’il se voit menacé de satellisation, voire de disparition, au regard des derniers sondages. Selon une enquête Elabe pour BFMTV, publiée mercredi, neuf Français sur dix (88 %) ne souhaitent pas qu’il soit candidat en 2017. «Hollande n’a pas l’habitude de ne pas pouvoir tirer toutes les ficelles et ça l’énerve», résume un proche.
Ce discours de «cadrage», voire de «politique générale», selon les mots des conseillers élyséens, est la troisième intervention très politique que Hollande prononcera après celles de Carcassonne, le 19 mai 2015, et du Théâtre du Rond-Point, un an plus tard. Ces deux discours avaient été conçus comme les premières pierres d’une «mise en récit» d’un mandat largement incompris par les Français. Et furent perçus comme les fers de lance d’une campagne officieuse. Le chef de l’État y avait âprement défendu son bilan et réfuté tout procès en trahison, assurant même qu’il était resté «fidèle au Bourget».
Cette fois, la pression est bien plus forte. D’abord parce qu’il reste huit mois à peine avant la présidentielle et trois mois avant sa déclaration de candidature (ou non), programmée pour décembre. Ensuite parce que le chef de l’État se trouve dans une situation politique critique. Concurrencé à la fois sur sa droite par Emmanuel Macron et sur sa gauche (Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon), il se voit disqualifié dans les enquêtes d’intentions de vote, comme celle publiée mercredi par Le Figaro, selon laquelle il arrive quatrième seulement, derrière son ancien conseiller à l’Élysée (lire nos éditions de mercredi).
C’est en juillet que les stratèges du président ont imaginé ce troisième discours. Après l’attentat de Nice et les débats sur le durcissement des mesures sécuritaires qui ont suivi. À leurs yeux, la «surenchère de la droite et de l’extrême droite» pour renforcer l’arsenal répressif a ouvert un espace pour François Hollande qui, en se posant comme père de la nation et garant de l’État de droit, pouvait tenter de retrouver une position centrale rassembleuse. Le président est en effet persuadé que la future campagne se jouera entre les tenants de l’État de droit et ceux qui prônent un «état d’exception».
Quoi qu’il en soit, Hollande a travaillé jusqu’au tout dernier moment ce discours de Wagram, qui a eu plusieurs contributeurs, dont l’une de ses plumes politiques les plus acérées, le député PS Guillaume Bachelay. Le président a également échangé avec les patrons de Terra Nova et de la Fondation Jean-Jaurès, Thierry Pech et Gilles Finkelstein, qu’il a reçus pour le petit déjeuner vendredi à l’Élysée. Plusieurs ministres ont également apporté leur contribution. Avant de décoller du Vietnam pour Paris, mercredi, Hollande a réceptionné la sixième version du texte, qu’il a encore complétée et annotée en vol.
L’Élysée, qui a savamment fait monter la pression dans les derniers jours, a missionné une escouade de «chevau-légers», jeunes parlementaires PS légitimistes, pour «prévendre» l’événement à la presse (près de 150 journalistes se sont accrédités, selon la présidence). «Le président aime l’adversité et il est courageux, vante ainsi le député PS, Sébastien Denaja. Il est en grande forme! Ceux qui misent sur le contraire vont être douchés!» Une vingtaine de ministres, ainsi qu’une centaine de parlementaires, écouteront ce discours fleuve (une heure) conçu – si c’est encore possible – comme une «démonstration de force». L’occasion aussi pour le président de tenter de marginaliser Emmanuel Macron.
Sur le fond, le chef de l’État qualifiera d’abord la menace terroriste, «qui veut s’attaquer à nos valeurs, à ce que nous sommes», précise un conseiller. En rappelant les mesures prises par le gouvernement pour renforcer l’arsenal, il clivera avec la droite, à qui il reprochera d’avoir une conception «identitaire» de la France qui est, à ses yeux, davantage «une idée». Il tentera de se poser en président protecteur, garant des valeurs de la République. Volontairement en retrait de la polémique sur le burkini, Hollande donnera sa vision de l’islam et de la laïcité. Ce discours doit également comporter une dimension personnelle: le chef de l’État reviendra sur son expérience du terrorisme, qui aura marqué son quinquennat au fer rouge. Il rappellera qu’il appartient à une génération qui a cru qu’elle en avait fini avec les guerres et pour qui la démocratie – en réalité «fragile» – était un acquis.
Sans écouter les hollandais qui ont pressé le président d’accélérer son calendrier, Hollande n’annoncera pas sa candidature à la présidentielle. Mais il tracera des perspectives pour les mois à venir, en se projetant dans un éventuel deuxième mandat sur plusieurs sujets (politiques sociales, engagement et citoyenneté, lutte contre les inégalités, etc.). Il donnera notamment des pistes de réflexion pour «moderniser et régénérer la démocratie», afin, que celle-ci réponde davantage à la défiance exprimée par les citoyens. Autant de futurs thèmes de campagne. «J’ai toujours considéré qu’il était très difficile pour un candidat sortant hors cohabitation de justifier ce qui pourrait être un deuxième mandat, qui ne serait pas le prolongement du premier, avait confié Hollande lors du vol Rio-Paris, début août. Les résultats ne suffisent pas. La question d’aujourd’hui, c’est: “dans quel pays voulons-nous vivre?”» La défense de la démocratie et des valeurs de la République, «menacées par les terroristes et les populistes», dit-on à l’Élysée, pourrait servir à expliquer la volonté de briguer un deuxième mandat. Glacés par la dégradation du climat politique et par les sondages, les proches de Hollande espèrent que ce discours lui donnera les moyens du rebond. Le temps presse: il reste cent jours au président pour créer les conditions d’une candidature en décembre. «Hollande est le seul à pouvoir rassembler la gauche, de Mélenchon à Macron», répète l’un de ses proches, qui se dit persuadé que la maire de Lille, Martine Aubry, finira par lui apporter son soutien en 2017. «Je descends dans la hiérarchie de ses ennemis, a expliqué Hollande en substance devant des visiteurs. Devant moi, il y a désormais Macron, Valls et Montebourg. Je ne suis plus que quatrième…»
Mais au sein de la majorité, y compris dans le cercle restreint des hollandais, très peu croient encore en la capacité du président d’inverser la tendance. «Macron lui a donné le coup de grâce, analyse le député PS (aile gauche) Régis Juanico. Sa sortie du gouvernement vise à priver Hollande d’oxygène et à saper toute autorité et toute possibilité de rebond. L’effet politico-médiatique des premiers sondages agit comme une salve d’obus sur un champ de bataille.» «C’est vrai que sur le papier, c’est mission impossible…», soupire l’un de ses soutiens. L’ami fidèle, Julien Dray, veut croire que tout reste possible: «Il n’y a pas de désir d’alternance à droite, observe-t-il. Nous ne sommes pas comme en 1993 ou en 1995.»
Une chose est sûre, l’enseignement des premiers sondages depuis le départ de Macron est sans appel: l’ancien conseiller de l’Élysée plombe le chef de l’État encore plus qu’il ne l’était déjà. «Macron et Hollande ne peuvent pas être candidats ensemble, c’est impossible!», s’alarme un vieux compagnon de route du président. «Il n’y a pas d’autres solutions que de trouver un attelage avec Macron, argue un autre proche. C’est arithmétique. C’est la seule condition à laquelle Hollande a une petite chance d’être au second tour. Sinon c’est mort.»