Paralympiques et dopage : comment l'automutilation accroît les performances

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Paralympiques et dopage : comment l'automutilation accroît les performances

Date: 7 September 2016 | 7:04 pm

Épreuve de 1500m T54 à Londres, le 3 septembre 2012 (K.WIGGLESWORTH/SIPA).

 

Le “boosting” est une pratique dopante bien connue dans le monde du handisport. Elle a commencé à faire parler d’elle il y a déjà 20 ans, lors des Jeux paralympiques d’Atlanta (1996). Mais il a fallu attendre 2004 pour qu’elle soit interdite. Quant à la lutte antidopage en la matière reste encore très imparfaite…

 

Qu’entend-on par automutilation ? Qu’est-ce précisément que le “boosting” ? Le principe de cette pratique dopante est en réalité assez simple à comprendre.

 

Compression des testicules, fracture de l’orteil…

 

D’abord, rappelons que ce dopage ne concerne que les athlètes paraplégiques, c’est-à-dire souffrant d’une paralysie des membres inférieurs. Il consiste à augmenter la pression artérielle en provoquant une agression sur un membre infirme, donc à l’égard duquel l’athlète en question n’éprouve plus aucune sensibilité.

 

Cette agression peut se faire sur toutes les parties du corps situées en dessous de la vessie. Blocage de la sonde urinaire, compression des testicules, fracture de l’orteil… Ces agressions volontairement provoquées entraînent une vascularisation plus importante des muscles et donc une meilleure efficience en matière de performance.

 

Avec la fréquence cardiaque, la pression artérielle est en effet l’un des principaux déterminants du fonctionnement du corps humain. À l’effort, chez les sujets en fauteuil, ces deux paramètres cardiovasculaires ne réagissent pas aussi vite que chez les valides. En revanche, avec le “boosting”, il est  possible d’améliorer l’afflux de sang aux muscles.

 

Un risque majeur d’attaque cérébrale ou cardiaque

 

Cette pratique est possible car la paralysie d’un membre ne signifie en aucun cas que celui-ci est totalement inactif. Le sang continue évidemment d’y circuler, seule la connexion avec le système nerveux “central” est coupée. Les membres paralysés continuent donc de fonctionner de façon autonome. Ainsi, de par leur position assis, de nombreux paraplégiques souffrent souvent de plaies ou d’escarres. Le principe du “boosting” est d’”exciter” ce système autonome, pour se retrouver dans un état dit d’”hyper réflectivité”.

 

Cette pratique n’est pas aussi marginale que l’on pourrait l’imaginer. Selon, une étude menée par le Comité international paralympique (IPC) à partir de données de 2008 et 2009, 16,7% des participants à l’enquête ont indiqué avoir eu recours à cette “technique”, à l’entraînement ou en compétition…

 

Mais évidemment, ce n’est pas sans effets délétères. En provoquant une hausse de tension aussi brutale, ces athlètes s’exposent à un risque majeur d’attaque cérébrale ou cardiaque.

 

Il n’y a pas vraiment lieu de s’étonner de l’existence de pratique dopante dans le monde du handisport. Le dopage est en effet consubstantiel à la compétition sportive. La liste de sportifs handicapés convaincus de dopage est d’ailleurs longue… 

 

Le dopage est consubstantiel à la compétition sportive

 

Le premier cas de dopage d’un athlète handicapé remonte à 1981. Lors des jeux des sourds et des malentendants, des traces d’éphédrine avait été retrouvé chez un décathlonien soviétique, preuve que les athlètes handicapés utilisent les mêmes substances que leurs homologues valides. On a depuis détecté également chez ces athlètes stéroïdes anabolisants, hormones de croissance, cocaïne, diurétiques (masquants), etc.

 

À l’usage de ces substances bien connues, il faut donc ajouter le “boosting” et, parfois aussi, la triche au handicap, telle l’équipe d’Espagne de basket qui avait fait jouer de faux déficients mentaux lors des Jeux de 2000, à Sydney

 

Ce que montre l’affaire du “boosting”, enfin, c’est que les instances dirigeantes du sport, celles des valides comme celles des handicapés, mettent bien trop de temps à prendre la mesure des problèmes de dopage et à agir efficacement. Alors que la pratique est connue depuis 1996, elle n’a été interdite qu’en 2004. Et aux Jeux de Pékin (2008) et Londres (2012), le nombre de contrôle de la tension artérielle des athlètes sont été peu nombreux (37 à 41 contrôles).

 

Notons toutefois que pour Rio, le taux limite a été abaissé. Dorénavant, les athlètes ayant une tension supérieure à 160 mmHg seront sanctionnés, contre 180 auparavant.

 

 

Propos recueillis par Sébastien Billard

 

 

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